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Capitalisme + Came = Génocide (Michael Cetewayo Tabor)




Dans cette brochure datant de 1969 intitulée « Capitalism plus dope equals génocide », Michael Cetewayo Tabor, membre du Black Panther Party, revient sur les méfaits de la drogue et sur son utilisation par les forces répressives dans les ghettos noirs-américains.

Texte traduit et présenté par les Éditions Premiers Matins de Novembre et le Collectif Angles Morts.

pmneditions@gmail.com // anglesmorts@gmail.com

Illustration de couverture : Helios Figuerola Garcia // h@horsigne.com



Introduction de Mathieu Rigouste: « À qui profite la « Guerre au Crime »? Gestion (para)étatique des marchés des drogues et contre-révolution sécuritaire. »


Gestion (para)étatique des marchés des drogues et contre-révolution sécuritaire

Les grandes puissances impérialistes et leurs sous-traitants mènent à l’intérieur de leurs frontières ce que leurs médias appellent des « guerres à la drogue et à la criminalité ». Dans les cités, les ghettos, les favelas et les bidonvilles du monde entier, les habitant.e.s font en réalité face à des guerres policières contre-insurrectionnelles et permanentes. L’industrialisation de ce processus a commencé aux États-Unis dans les années 1960. C’est là qu’à la même époque, les mouvements révolutionnaires noirs et portoricains se sont organisés en premier pour lutter, par eux-mêmes, contre les ravages de la came et attaquer le système de domination politique, économique et sociale qui la propulse et la déverse. Les révolutionnaires du Black Panther Party For Self Defense (BPP) ont démontré que la drogue et la criminalité ne sont pas plus des fatalités que la pauvreté. Et qu’elles font partie intégrante d’un système organisé par les classes dominantes pour produire une nouvelle forme d’esclavage confinant au génocide.
C’est ce qu’explique Michael « Cetewayo » Tabor dans « Capitalisme + came = génocide ». Né à Harlem (New York) le 13 décembre 1946, il a grandi dans une cité ravagée par la came et son trafic. Étudiant et basketteur talentueux, il devient dépendant à l’héroïne à l’âge de 13 ans. L’autobiographie de Malcom X bouleverse sa « vision de la vie » et notamment du système d’oppression raciste et capitaliste.
Il réussit à vaincre l’addiction à 18 ans et, en ayant observé tous les rouages de ce « capitalisme illégal », il s’engage complètement dans le mouvement révolutionnaire, en particulier dans la lutte pour libérer la communauté noire de cette « peste ».
Il adhère au Black Panther Party à l’automne 1968, juste après l’ouverture du bureau du BPP à New York et choisit « Cetewayo » comme nom de guerre, en hommage à un roi guerrier zoulou du 19e siècle. Sa réflexion sur la drogue comme stratégie de déstabilisation des « colonies noires de Babylone » et du mouvement révolutionnaire noir s’est construite aux côtés du BPP et des Young Lords (1). Il collabore au programme de petits-déjeuners gratuits organisé par les Panthères pour nourrir les enfants noirs et devient professeur d’éducation politique dans l’école de libération des Black Panthers destinée aux enfants des ghettos. Il devient capitaine du service de sécurité du parti dans le Bronx sous la direction de Lumumba Shakur. Autodidacte, il est vite reconnu comme un historien et un théoricien politique important. Il rejoint les cadres dirigeants de la section de New York et y assure la direction du ministère de l’information.
Dès sa fondation en 1966 à Oakland (Californie), le BPP devient la cible principale du CointelPro (Counter-intelligence Program) (2). Cette doctrine de contre-insurrection fondée en 1956 désigne les mouvements communistes et révolutionnaires comme des « ennemis intérieurs », des virus dont il faudrait purger l’Empire. Le CointelPro a été rénové à travers l’importation des méthodes de guerre coloniale française en Indochine et en Algérie. La doctrine française de guerre (contre-)révolutionnaire (DGR) consiste à militariser le pouvoir et la société en industrialisant la terreur d’État contre des populations civiles. Son modèle d’application en ville (le Dispositif de Protection Urbain DPU dit « bataille d’Alger » expérimenté en 1957) a été diffusé dans les armées du bloc impérialiste occidental dès 1958. Le FBI s’en est approprié certains éléments pour rénover le CointelPro et l’appliquer contre le BPP en chargeant des unités de police spécialisées de surveiller et ficher, réprimer, tromper, infiltrer, diviser, enfermer et abattre les cadres et les militants influents du BPP.
Cetewayo fait partie des 21 Panthères arrêtées en avril 1969 à New York qui formeront le Panther 21, groupe qui joue un rôle fondamental dans la lutte interne contre la bureaucratisation du parti et dans la construction de la Black Liberation Army (3). Parmi eux figurait Afeni Shakur, la mère de 2Pac (4). Les 12 premiers membres sont arrêtés le 2 avril 1969 lors d’un raid policier mené par le procureur de Manhattan Frank S. Hogan. Cette opération marque le début d’une longue campagne de criminalisation des luttes contre la domination policière à New York et de dissimulation du rôle de la police sur le marché de la came. Les neuf autres sont interpellés peu après.
Treize d’entre eux sont inculpés et jugés pour « association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme », ils sont accusés d’avoir voulu commettre des « attentats » contre quatre commissariats, cinq grands magasins, des établissements scolaires et la Statue de la Liberté, ainsi que d’avoir planifié des assassinats de policiers (5). C’est l’un des actes fondateurs du CointelPro, avec l’assassinat de Fred Hampton quelques mois plus tard en décembre 1969. En trois ans, des dizaines de Panthers furent ainsi persécuté.e.s, brutalisé.e.s, emprisonné.e.s, poussé.e.s à l’exil ou tué.e.s.
Le FBI dut alors faire face à un renforcement de l’activité des militants révolutionnaires noirs en prison. C’est dans ce cadre qu’il établit Prisact, son « programme de surveillance des activistes en prison », le premier protocole fédéral chargé d’identifier les affiliations politiques et religieuses des prisonniers et de les neutraliser. Prisact permit d’expérimenter de nouvelles techniques de modification du comportement, de torture psychologique, le développement de l’isolement carcéral et des unités spéciales militaro-policières d’intervention en prison (6).

L’enfermement de masse constitue un dispositif de contre-révolution fondamental.
Il s’agit d’industrialiser l’extermination sociale et physique des peuples qui menacent l’impérialisme. « La guerre à la drogue » s’articule directement avec l’industrialisation sécuritaire des prisons et des camps d’internement.
Pendant neuf mois, les inculpés du BPP new-yorkais furent soumis à une lumière allumée 24h/24, privés d’accès à des livres ou journaux de l’extérieur et interdits de communication avec les autres prisonniers (7). Cetewayo écrit « Capitalisme + came = génocide » durant cette détention provisoire. Cet article initialement écrit pour le journal du Black Panther Party est si bien reçu qu’il est transformé en brochure et diffusé dans tous les États-Unis puis internationalement.
Cette brochure est devenue la plate-forme du Lincoln Detox, le « programme anti-drogue du peuple » des Young Lords, qui prirent dans ce cadre, avec le BPP et d’autres groupes, la direction de l’hôpital Lincoln le 10 novembre 1970 pour mettre en pratique les analyses de Cetewayo (8).
Libéré sous caution, « Cet » comme il était appelé affectueusement, passe durant la période du procès, l’essentiel de son temps à collecter des fonds pour ses camarades emprisonnés. Après deux ans de procédure judiciaire et des centaines de manifestations populaires, tous les accusés sont finalement acquittés (9).
Le CointelPro réussit à instrumentaliser les divisions du BPP entre la « West Coast » et la « East Coast ». L’assassinat de Robert Webb, un Panther abattu à Harlem lors d’une attaque des Panthers de la West Coast manipulés par le CointelPro ainsi que l’infiltration de la section new-yorkaise par le BOSSI, une unité de renseignement de la police (10), réussissent à déstabiliser le groupe par des menaces de mort, réelles ou fictives. Cetewayo, convaincu d’être ciblé, se réfugie à Alger en février 1971, avec son épouse Connie Matthews, qui fut la coordinatrice internationale du Parti. Ils y rejoignent la section internationale du BPP en exil dirigée par Eldridge Cleaver. Cetewayo quitte l’Algérie pour la Zambie après la chute du BPP en 1972.
Il se remarie avec une femme zambienne et ne reviendra plus aux États-Unis. Il a continué à écrire et faire de la radio, jusqu’à sa mort de maladie à Lusaka (Zambie) le 17 octobre 2010. Comme le rapporte Mumia Abu Jamal, il laisse le souvenir d’un militant très apprécié par les bases du Black Panther Party (11).


1) Comparable au BPP, la Young Lords Organization (YLO) est un mouvement révolutionnaire anticapitaliste et antiraciste, formé à Chicago et New York, majoritairement par la communauté portoricaine. Fondés par d’anciens membres de gangs influencés par la rencontre de Black Panthers en prison, les Young Lords ont eux aussi organisé des structures de santé, d’éducation et d’alimentation populaires et révolutionnaires. À New York, les cadres dirigeants de l’organisation ont impulsé des luttes pour les droits des femmes et des homosexuels des ghettos.
2) Ward Churchill, Jim Vander Wall, The COINTELPRO Papers : documents from the FBI’s secret wars against dissent, Boston, South end press, 2002.
3) Suite à leur lettre critique vis-à-vis de la direction du parti publiée en janvier 1971, les 21 sont exclus unilatéralement par Huey Newton quelques jours plus tard.
4) Dans sa chanson « White Man’z World », 2pac Shakur appelait à la libération des prisonniers politiques et au retour des exilés comme Michael Cetewayo Tabor et Donald Cox.
5) Les « preuves » réunies contre eux sont des déclarations de 3 policiers infiltrés qui les auraient entendus préparer ces actes et un « informateur » dont on apprendra qu’il était psychiatrisé pour mythomanie.
6) Dhoruba Bin-Wahad, « Narrative on the dimensions of racist, political repression and religious vilification of national minorities in the united states », Joy James (éd.), Warfare in the American Homeland : Policing and Prison in a Penal Democracy, Durham et Londres, Duke University Press, 2007. Consultable sur http://www.itsabouttimebpp.com/Unity_Support/pdf/Dhoruba_Bin_Wahad_and_Naji_Mujahid_detained.pdf.
7) « Black Panthers In and On Science », New Scientist, 15 février 1973.
8) Installée dans le Sud du Bronx, cette clinique délivrait des soins dans une approche globale de santé communautaire ainsi que des cours d’éducation politique expliquant aux patients les responsabilités du système capitaliste raciste dans leurs conditions de vie.
9) Quelques jours plus tard, le 19 mai 1971, la Black Liberation Army revendiqua une tentative d’assassinat contre les deux policiers protégeant le domicile du procureur Hogan. Akinyele Omowale Umoja, « Repression Breeds Resistance. The Black Liberation Army and the Legacy of the Black Panther Party », in Kathleen Cleaver, George N. Katsiaficas (éd.), Liberation, imagination, and the Black Panther Party : a new look at the Panthers and their legacy, New York, Routledge, 2001.
10) 25th Ann. of Panther 21 Acquittal : Program in NYC, avril 1996.
11) Communiqué de Mumia Abu-Jamal, 17 mars 2011.


Lire la suite en téléchargeant la brochure ici:

Akye
Jeudi 5 Mars 2015





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