Le 5 juin 2013, à Paris, Clément Méric, syndicaliste à Solidaires étudiant-e-s et militant antifasciste, mourait sous les coups de skinheads néo-nazis.
Du 4 au 14 septembre aura lieu à la Cour d'Assises de Paris le procès des agresseurs de Clément et de ses camarades présents à ses côtés ce jour là.
Les audiences sont publiques : toutes celles et ceux qui le souhaitent peuvent y participer. Tout soutien est le bienvenu.
Il importe que le procès se déroule en toute sérénité.
Il se tiendra à l'ancien Palais de Justice, sur l'Ile de la Cité à partir du mardi 4 à 9h30.
Des moments d'expression militante sont prévus dans des lieux et des moments distincts de ceux des audiences. (Plus d'infos à venir)
Qu’en attendons-nous ?
Essentiellement que la vérité soit dite publiquement sur les circonstances de la mort de Clément et que la dimension politique de ce crime soit clairement mise en évidence. Il ne doit pas y avoir d'impunité pour les crimes fascistes.
Le procès sera l'occasion d'une attention particulière des médias et de l'opinion envers la question des violences de l'extrême droite. Il devra aussi être l'occasion de déconstruire le schéma que certains discours tentent d'imposer, renvoyant dos à dos extrême gauche et extrême droite.
Souvenons-nous : après l’effroi est rapidement venu le temps du doute, soigneusement orchestré. On s’était emballé, les agresseurs n’étaient pas ceux que l’on croyait. Invoquant mensongèrement le contenu d’images de vidéosurveillance, une manipulation médiatique, probablement initiée par des relais de l’extrême droite dans la police, faisait des agressés les agresseurs. Elle venait opportunément cautionner les déclarations des skinheads qui prétendaient avoir agi en légitime défense. Bien que contredite par des responsables de la police judiciaire, cette version fut relayée sans précaution par une large partie de la presse – déclenchée sur RTL trois semaines après la mort de Clément, l’opération de désinformation « La vidéo de l’agression a parlé » avait notamment trouvé un puissant écho au JT de 20 heures de France 2, sous forme d’une infographie représentant Clément attaquant traitreusement un paisible Esteban Morillo. L’effet fut évidemment dévastateur et conduisit une partie de l’opinion à considérer que, finalement, il s’agissait sans doute d’une simple bagarre qui avait mal tourné entre bandes rivales violentes, renvoyées dos à dos.
Or, la mort de Clément Méric n’est pas le résultat d’un malheureux hasard, encore moins le fruit d’une culture de la confrontation physique que partageraient également les groupuscules d’ultra-droite et les mouvements antifascistes.
L’agression doit être resituée dans le contexte politique du printemps 2013, c’est-à-dire un fort mouvement d’opposition conservatrice à l’adoption du mariage homosexuel. La Manif pour tous, mobilisant toutes les droites, avait excité l’activisme d’extrémistes et entraîné une multiplication des violences homophobes ou racistes.
L’agression de Clément et de ses camarades n’a pas été le fait d’électrons libres : les hommes aujourd’hui traduits devant la cour d’assises étaient membres ou sympathisants de Troisième voie, groupuscule ultranationaliste dirigé par Serge Ayoub, alias Batskin, connu dans les années 80 comme chef de bande de skinheads parisiens d’extrême-droite. Ce dernier s’était également entouré d’une milice de gros bras chargée du service d’ordre de son mouvement, les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR). Ces deux organisations ont été dissoutes par le gouvernement consécutivement à la mort de Clément.
L’enquête a établi que le 5 juin 2013, Esteban Morillo a été en contact téléphonique avec Serge Ayoub immédiatement avant et immédiatement après l’agression, et que tout le groupe s’est retrouvé autour de lui le soir même, dans son bar, où ils ont eu tout loisir d’arranger leur version des faits.
L’actualité récente fournit des exemples de l’implication de proches d’Ayoub et de son organisation dans d’autres affaires, pour certaines criminelles. Ainsi du procès du White Wolf Klan au printemps dernier en Picardie, bande néonazie fondée par un ancien des JNR après leur dissolution et qui s’est rendue coupable de graves méfaits. Ainsi encore de la réouverture en juin 2017 de l’enquête sur la mort d’Hervé Rybarczyk, militant antifasciste lillois retrouvé noyé dans la Deûle en 2011. Deux anciens membres des JNR sont poursuivis pour cette agression qui pourrait avoir été la mise en œuvre d’un rituel initiatique d’admission dans la milice de Serge Ayoub.
Clément Méric a été victime d’un groupe de jeunes gens entretenus dans le culte de la violence par un chef porteur d’un programme politique fascisant, ce que souligne la devise des JNR, empruntée au parti de Mussolini : « Croire, combattre, obéir ».
Non, les extrêmes ne se rejoignent pas. Renvoyer dos à dos racistes et antiracistes, homophobes et défenseurs des libertés, fascistes ou néonazis et antifascistes, c’est faire le lit de la haine et de la violence gratuite.
Le procès des agresseurs de Clément sera l’occasion de mettre en lumière la réalité des faits. Nous espérons qu’il soulignera ainsi la différence fondamentale des postures politiques : refuser de fermer les yeux, dénoncer résolument des idéologies contraires aux principes d’égalité, de liberté, et de fraternité, ce n’est pas faire acte de violence, c’est faire acte de résistance salutaire.
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