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Postface à la réédition castillane de 'C'est de la racaille? Eh bien j'en suis!'



Postface à la réédition castillane de 'C'est de la racaille? Eh bien j'en suis!'

Brochure avec une postface rédigée pour l’édition castillane de "C’est de la racaille? Eh bien, j’en suis!", l'auteur, Alessi Dell’Umbria, revenant de manière auto-critique sur son livre et en profite pour développer quelques points.


"C’est de la racaille ? Eh bien, j’en suis!" est sorti au printemps 2006 chez L’échappée. Outre les publications grecques, espagnoles et italiennes citées dans le texte, une réédition française est prévue en début d’année prochaine chez Agone.
L’auteur de "C’est de la racaille ? Eh bien, j’en suis!", Alessi Dell’Umbria, n’est ni sociologue ni journaliste. Son livre, aux propos incisifs, replace les événements de l’automne 2005 dans le contexte d’une désintégration sociale et d’un renforcement de l’Etat-Léviathan. Il met également en évidence ce qui a fait la force de cette révolte quand des centaines de groupes se sont organisés pour s’affronter avec l’Etat. Sans mot d’ordre, mais en frappant juste; sans délégation ni organe de liaison, mais communiquant entre eux à travers leurs actes ; une partie de la jeunesse pauvre du pays s’est identifiée à un sort commun et a fait preuve de solidarité loin de toute prose idéologique.
Sans discours moralisant ou victimisant, l’auteur s’adresse d’égal à égal aux révoltés des banlieues pauvres.


Au plus fort de la révolte de décembre 2008 en Grèce, une « association des immigrés albanais » affirme dans une déclaration : « Pour nous, les immigrés organisés politiquement, il s’agit d’un second Novembre 2005 français »… D’une métropole à l’autre, une complicité s’établit, invisible et horizontale.
En France, l’automne 2005 est toujours présent dans les mémoires. Une culture de la rébellion s’est enracinée dans les banlieues de la République et les techniques de récupération qui avaient pu fonctionner dans les années 1980 sont épuisées. Aucun racket politique ou syndical n’a pu naître sur les cendres des incendies, aucun leader n’a pu s’autoproclamer ou être désigné par les médias pour représenter les jeunes révoltés, et aucun « SOS-Racisme » n’a pu tirer parti de la situation. Et les « plan-banlieues » apparaissent plus dérisoires que jamais.
Aucune réforme ne pourra calmer le jeu, parce que les éléments qui engendrent la révolte ne sont plus réformables : il faudrait défaire tout un noeud de déterminations que les gouvernants ont patiemment ficelé plusieurs décennies durant. Il faudrait, pour tout dire, en finir avec la France.
La révolte de cette jeunesse des banlieues pauvres est d’abord une éternelle jeunesse de la révolte : elle se renouvelle à chaque génération. Et alors que tout le monde célèbre, à chaque anniversaire, décennie après décennie, l’enterrement de 1968, voilà une jeunesse que l’on ne fera pas disparaître : elle mettait le feu en 1981, de nouveau en 1990, et la revoilà en 2005, avec les mêmes raisons d’avoir la haine, d’une génération à l’autre.
Le mensonge républicain n’abuse plus. Ecoutons donc : « Il est aujourd’hui trop tard pour les grands ducs, d’adopter de nouvelles mesures, pour établir des conditions de vie supportables dans nos quartiers, qui de toutes façons n’ont jamais été vivables et ne le seront jamais. Nous ne voulons plus de dialogue avec le gouvernement ; nos pères, nos familles, ont suffisamment été abusés par les discours. Le dialogue est définitivement rompu, n’envisagez plus de nous endormir ».
Une guerre de basse intensité se poursuit, et l’état d’exception policier a été, depuis 2005, complété par un état d’exception judiciaire. Ceux-là mêmes qui en appellent au rétablissement de l’Etat de droit dans les banlieues ne cessent de multiplier les mesures, administratives ou législatives, qui constituent autant de suspension des garanties juridiques élémentaires : le contrat implicite qui fondait l’exercice du droit bourgeois et républicain est rompu. Et l’Etat de droit, ainsi dépouillé, apparaît pour ce qu’il était déjà essentiellement : le simple droit de l’Etat.

L’affaire des Tarterêts en a fourni la première illustration.
Un soir d’automne 2006, deux CRS égarés dans ce secteur réputé « chaud » de Corbeil-Essonnes, en lointaine périphérie parisienne, avaient été littéralement lynchés par un groupe d’une vingtaine de jeunes gens (ce qui arrive, quand la patrouille se perd en territoire ennemi !).
Plusieurs personnes furent ensuite arrêtées et emprisonnées, sur la base d’une dénonciation.
L’épilogue judiciaire, au printemps 2007, fut une première, puisqu’on vit les accusés condamnés
sur la seule base d’un « témoignage sous X » (le « témoin » conservant son anonymat lors de la
procédure et ne paraissant pas à l’audience). Ainsi affranchi de la plus élémentaire publicité des débats – du moins en ce qui concerne le témoignage à charge, qui a toujours été un fondement
de la justice républicaine – le tribunal put distribuer de très lourdes peines, allant jusqu’à huit ans
de prison pour une simple affaire de coups et blessures.
Fin novembre 2007, après la révolte de Villiers-le-Bel, qui vit 120 policiers blessés, pour la plupart
par des tirs de chevrotines, le ministère de l’Intérieur fit circuler sur le territoire de ladite commune un appel à délation inédit : les personnes acceptant de dénoncer les tireurs pourraient non seulement « témoigner sous X » mais en plus percevoir une récompense de plusieurs milliers d’euros ! Le 18 février 2008 à l’aube, une gigantesque opération de police frappa Villiers-le-Bel, aboutissant à l’arrestation de 33 personnes soupçonnées d’avoir participé aux affrontements de novembre 2007… Le commissaire dirigeant l’opération confirma devant les caméras de la télévision qu’il y aurait bien une récompense financière pour les corbeaux. A ce jour, cinq des personnes arrêtées sont toujours incarcérées, sans aucune preuve à leur charge sinon un « témoignage sous X » payé cash.
La révolte de Villiers-le-Bel avait opéré un saut qualitatif : outre la grande variété de bâtiments incendiés (écoles, Mac Donald, concessionnaires auto, Assedic, postes de police, bibliothèque – peut-être avait-elle dans ses rayons un exemplaire de La racaille…?), les révoltés avaient fait preuve d’un sens certain de l’organisation (guetteurs sur les toits communiquant par téléphones portables les mouvements de l’ennemi, talkies-walkies branchés sur la fréquence de la police, groupes très mobiles obéissant manifestement à une tactique étudiée…). Ils avaient aussi assuré un niveau de violence inédit en arrosant les CRS au fusil de chasse.
Villiers-le-Bel montre cependant qu’il arrive un moment où l’affrontement devient difficile à assumer sur place, dans la cité. Les déclarations vengeresses de Sarkozy, promettant la cour d’assises aux tireurs masqués de Villiers-le-Bel, ne laissaient guère de doute quant au retour de manivelle… Aussi, le devenir de la révolte pourrait-il se traduire par le déplacement de la conflictualité. Par exemple, à la gare du Nord, en plein centre de Paris où, le 27 mars 2007, se retrouvaient unis contre la police des bandes du 93 (Seine-Saint-Denis) et des jeunes de Paris. Au départ, un jeune banlieusard voyageant sans ticket interpellé par les contrôleurs de la SNCF : une bande de la banlieue nord qui a l’habitude de traîner à l’intérieur de la gare intervient en sa faveur, et les contrôleurs appellent la police… Les forces de l’ordre, en tenue antiémeute, ne pourront prendre le contrôle de la gare qu’après huit heures d’affrontements et de courses-poursuites à l’intérieur de la gare, dont les galeries commerciales seront saccagées en passant…
Dans l’émeute de la gare du Nord, les antagonismes violents qui avaient éclaté sur l’esplanade des Invalides, lors du mouvement anti-CPE en mars 2006, ont été momentanément dépassés. Non dans le contexte symbolique d’une manifestation mais dans celui, banal, de la vie quotidienne : un espace neutre, où zonent tant de jeunes de la banlieue et où transite la foule anonyme des travailleurs qui se hâte d’un non lieu vers un autre, se transforme pendant quelques heures en point de condensation.
Il a suffi d’un incident pour que les habitués de ce non-lieu se retrouvent décalés, les uns par rapport à leur emploi du temps habituel, les autres par rapport à l’emploi habituel de l’espace. Les téléphones portables ont fait le reste… Ainsi a-t-on pu entendre une foule composite crier, face aux CRS : « A bas l’Etat, les flics et les patrons ! ». Mais le plus beau aura été la participation des bandes de filles. Ces dernières avaient brillé par leur absence dans les affrontements à l’automne 2005, laissés à leurs frères. Loin du contrôle qu’exercent ces derniers dans la cité de banlieue, elles ont pu se la donner en profitant de l’anonymat.
L’élection de Nicolas Sarkozy aux présidentielles du printemps 2007 et le style de gouvernement qu’il a développé depuis confirment lourdement ce qui était entrevu dans La racaille…. La banlieue nord de Paris, où un fort mouvement d’inscriptions sur les listes électorales avait eu lieu à partir de décembre 2005, a massivement voté Royal ; autant dire qu’elle n’a participé au scrutin que pour voter contre Sarkozy4. Il s’est pourtant trouvé des pères de famille arabes à voter pour celui qui incarnait à leurs yeux la même chose qu’aux yeux des français moyens : la restauration de l’autorité.
Mais tout ceci n’a qu’une valeur anecdotique, les trois candidats en position éligible se disputant les mêmes thèmes de campagnes : l’idéologie de la croissance économique, le culte du travail et le discours sécuritaire. Le spectacle de la politique ayant atteint d’une façon aussi visible le degré zéro de la pensée, la différence entre produits semblables ne pouvait se jouer que sur la performance médiatique. Et les prétendus électeurs, spectateurs blasés d’un show médiatico-politicien, devaient fatalement accorder leur bulletin à celui qui crevait l’écran.
Aussitôt élu, Sarkozy eut l’habileté de désigner parmi ses ministres trois femmes issues de l’immigration. Et Rachida Dati, ministre de la Justice, montra qu’elle était la femme de la situation en faisant voter début juillet 2007 une loi inspirée du système américain, et qui prévoit l’application automatique d’une peine-plancher en cas de récidive légale. Cette disposition, qui rompt avec l’une des bases du droit pénal français fondé sur l’individualisation des peines, a été à l’évidence dirigée contre la turbulente jeunesse des banlieues, qui bien souvent cumule de petites peines de sursis pendant plusieurs années. Son application a déjà surpeuplé les prisons : il faudra donc construire… Une chance inespérée pour un secteur du BTP en pleine crise.
« Incarcérez, incarcérez, vos prisons seront nos universités… »

De façon plus anecdotique, en décembre 2007, la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, annonçait le retour de la fameuse « police de proximité » tant regrettée de la gauche française. Créée par le gouvernement socialiste Jospin à la fin des années 1990, elle avait été supprimée en 2002 par le ministre Sarkozy, qui l’accusait de laxisme envers les jeunes délinquants. Dans les conditions actuelles de tolérance zéro, et alors même que les brutalités policières suscitent de plus en plus systématiquement les réponses appropriées (comme à Villiers-le-Bel), la déclaration de MAM ne pouvait aller au-delà de l’effet d’annonce.


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Akye
Lundi 12 Juillet 2010





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