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Cette brochure, terminée fin 2007 et actualisée fin février 2008, a été écrite à partir d’expériences des luttes des dernières années. Actuellement et depuis 2003, la durée maximum de rétention est de 32 jours. Dans le cadre d’une politique commune d’immigration au niveau européen, l’Etat français veut rallonger cette durée de plusieurs mois. Une nouvelle loi sera débattue courant 2008.
Les procédures juridiques encadrant l’expulsion ne seront pas forcément modifiées. Les parties de cette brochure concernant l’arrestation, la garde à-vue et les tribunaux resteront donc en principe valables.
La principale conséquence d’une nouvelle loi sur la durée de rétention est l’allongement du temps dont disposera l’administration pour trouver l’identité des sans-papiers et pour obtenir les laissez-passer consulaires, donc pour expulser. Rester sous une fausse identité ou convaincre un
consul de ne pas signer de laissez-passer sera certainement plus difficile mais pas impossible.
Aussi, faudra-t-il envisager de nouveaux moyens de lutte et se les communiquer.
Sommaire
Introduction
Chapitre 1 - L’arrestation
1. dans la rue
- les rafles
2. à domicile
3. à la préfecture
4. d’autres lieux d’arrestation
Chapitre 2. - La garde-à-vue
1. les droits et les possibles vices de procédures
2. les arrêtés d’expulsion : l’aprf et l’oqtf
L’Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière
L’Obligation de Quitter le Territoire Français
3. pressions de la police et interrogatoires
Que faire à l’extérieur du commissariat ?
Chapitre 3. - Au centre de rétention
Qu’est-ce qu’un centre de rétention ?
Quels sont vos droits ?
A qui serez-vous confrontés ?
- les visites au centre de rétention
Que faire à l’extérieur du centre de rétention ?
Avant le passage devant le juge du 35bis
Organiser la pression
Chapitre 4 - Les tribunaux
- l’aide juridictionnelle
1. premier passage devant le Juge des Libertés et de la Détention (JLD)
- qu’est-ce qu’un vice de procédure ?
Obtenir la libération avec des vices de procédure
Obtenir la libération pour raison de santé
Obtenir l’assignation à résidence
- les garanties de représentation
Que faire à l’extérieur du tribunal ?
2. le tribunal administratif : recours contre l’oqtf et l’aprf
- les documents à joindre au recours
Contre l’APRF
Contre l’OQTF
3. deuxième passage devant le JLD
Chapitre 5 - Les consuls
Chapitre 6 - L’aéroport
1. intervenir contre l’expulsion à l’aéroport
Pour refuser l’expulsion
Connaître la date d’expulsion
A l’aéroport
2. l’expulsion échoue : le sans-papier est débarqué
Reconduite au centre de rétention
Garde-à-vue et passage au pénal
Annexes
Du scandale d’Arenc à la légalisation des centres de rétention
La police rafle, l’ANAEM déporte, l’état fait du chiffre
Numéros de téléphone et adresses des centres de rétention en France
Sites internet
Depuis une dizaine d’années, les arrestations et les procédures d’expulsion se sont multipliées.
Au-delà des arrestations de sans-papiers lors de contrôles de routine, beaucoup se font contrôler et arrêter lors de rafles (contrôles d’identité au faciès avec de gros dispositifs policiers). Et de plus en plus de personnes se font interpeller chez elles. Les chiffres grossissent ; c’est une volonté politique aujourd’hui assumée.
En théorie, pour que l’État puisse expulser, il faut :
– que les flics et la préfecture respectent certaines règles de procédure concernant l’arrestation et les conditions de l’enfermement dans le CRA (Centre de Rétention Administrative),
– qu’un État accepte de recevoir la personne expulsée.
Connaître ce cadre légal peut permettre à chacun de l’utiliser pour empêcher une expulsion.
Si on prouve au tribunal que la procédure n’a pas été respectée et que le juge l’accepte, alors la personne est libérée ; si à la fin de la durée légale de rétention (32 jours), les flics n’ont ni passeport ni laissez-passer d’un consul, le sans-papier est libéré.
C’est pourquoi cette brochure explique la procédure destinée à expulser les sans-papiers.
Elle peut servir à tous les sans-papiers et leur entourage afin de se familiariser avec le vocabulaire juridique et de connaître la procédure pour mieux se défendre.
Elle permet de réfléchir, par rapport à sa propre situation, à la défense la plus appropriée après son arrestation. Il est important de ne pas rester spectateur face à la machine à expulser, et totalement dépendant de son avocat sans comprendre les choix que celui-ci fait.
La défense ne se joue pas seulement sur le plan juridique. Pour mieux s’en sortir face à l’État, nous pensons qu’il est préférable de participer à un collectif de sans-papiers ou de s’organiser avec son entourage pour être prêt à réagir après une arrestation (trouver un avocat expérimenté dans le droit des étrangers, planquer son passeport, rassembler les documents, mettre la pression, etc…).
Pour renvoyer une personne dans un pays étranger, l’État français doit avoir soit son passeport en cours de validité, soit un laissez-passer délivré par le consulat du pays dont il est reconnu originaire. Si les flics, le juge ou la préfecture ont le passeport en cours de validité, ils ne leur restent plus qu’à trouver une place dans un avion.
Si le passeport est périmé, les flics ont la vraie identité et il leur faut présenter la personne devant le consulat dont est elle originaire.
Si les autorités ne savent pas de quel pays vient le sans-papier, les flics vont devoir le présenter à plusieurs consulats susceptibles de le reconnaître.
Nous connaissons deux grands types de défense :
– si vous voulez donner votre vraie identité : la stratégie de défense portera aussi bien sur les circonstances de votre arrestation et garde-à-vue (les vices de procédures) que sur votre situation administrative. Dans ce cas, il vaut mieux avoir préparé un dossier, qu’il soit ou non déjà déposé à la préfecture.
– si vous préférez donner une fausse identité (nom et/ou nationalité), par exemple, parce que vous pensez n’avoir aucune chance d’être régularisé. Dans ce cas, il faut toujours donner le même faux nom pour éviter que les flics tombent sur d’autres noms avec vos empreintes. Il faut aussi que vos proches ou votre collectif connaissent ce faux nom. Attention, si les flics découvrent que vous avez
donné une fausse identité, vous pouvez être poursuivi au pénal, mais ce n’est pas systématique. Vous risquez alors jusqu’à 3 ans de prison, mais en général de 3 à 6 mois.
Dans tous les cas, il est préférable de ne pas se balader avec son passeport, même périmé, sur soi, ou n’importe quel papier qui prouve sa vraie identité, afin d’avoir le temps de s’organiser contre l’expulsion.
En effet, l’État cherche à arrêter les sans-papiers avec leur passeport. Par exemple, les flics se postent près de la banque du Mali pour choper les gens qui doivent avoir leur passeport pour retirer de l’argent.
Le passeport ne doit pas non plus rester au domicile du sans-papier (au cas où les flics viendraient le chercher), le mieux est qu’il soit caché chez des amis.
Le défaut de papier est considéré comme un délit (« séjour irrégulier »). Au commissariat, un procureur peut décider d’envoyer un sans-papier interpellé au tribunal pénal.
La peine pour séjour irrégulier est en général de 3 mois de prison et une interdiction du territoire français (ITF). La peine maximale est de 1 an de prison, 3 750 euros d’amende et une Interdiction du Territoire Français (ITF) de 3 ans. Si vous résidez sur le territoire français alors que vous avez été expulsé depuis moins de 1 an ou si vous avez une interdiction du territoire français, vous risquez une peine de 3 ans de prison maximum. L’enfermement au centre de rétention est ensuite systématique
afin de préparer l’expulsion. Mais la majeure partie des sans-papiers interpellés sont envoyés directement en centre de rétention après 24h de garde à vue.
Pour les condamnations, on distinguera toujours la peine maximale encourue et la peine prononcée en général par les tribunaux. En effet, les textes de lois ont pour but de faire peur avec des peines impressionnantes, mais, en réalité, les juges n’appliquent jamais les peines maximales prévues par la loi.
Chapitre 1 - L’ arrestation
Les lois encadrant le contrôle d’identité sont peu claires. La réalité est que la police peut arrêter n’importe qui, n’importe quand. Mais connaître la loi peut sauver des personnes de l’expulsion. Les conditions de l’arrestation peuvent faire annuler la procédure d’expulsion si elles sont jugées illégales.
1- Dans la rue :
Eviter de sortir avec son passeport
Selon la loi, il existe deux sortes de contrôle d’identité :
– le contrôle est en principe lié à la recherche de l’auteur d’une infraction.
Les flics peuvent contrôler l’identité de « toute personne suspectée d’être l’auteur d’une infraction, ou de se préparer à en commettre une, de fournir des renseignements sur une infraction » ou de toute personne dont ils pensent qu’elle pourrait être recherchée.
– le contrôle massif à la recherche de personnes en situation irrégulière.
C’est le principe de la rafle, contrôler un maximum de gens pour en choper quelques-uns. Ce contrôle peut avoir lieu :
• De manière permanente, dans certaines zones répertoriées, comme les ports, les aéroports, les gares routières et ferroviaires internationales, ou dans les zones situées à moins de 20 km d’une frontière, etc. ….
• Pour prévenir une « atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens », une personne peut être contrôlée « quel que soit son comportement ».
• Arrestation sur les lieux du travail, des chantiers contrôlés dans le cadre de la répression du travail au noir. Quelque fois les patrons appellent euxmêmes les flics au moment de la paye pour ne pas payer les ouvriers.
• Lorsque le procureur a donné des instructions écrites pour faire des contrôles d’identité dans certains lieux et à la recherche de certaines infractions.
C’est dans ce cadre juridique que se font les rafles.
Les rafles
Les rafles sont des contrôles massifs au faciès (seuls les gens qui ont l’air étranger sont contrôlés). Parfois, les flics ne contrôlent que des asiatiques ou que des maghrébins, selon les places disponibles dans les avions. Elles existent depuis que le gouvernement applique une politique de quotas pour expulser.
Elles sont ordonnées sur « réquisition du procureur de la république ».
Les rafles s’opèrent de manières plus ou moins visibles et massives :
- stationnement visible de bus et de fourgonnettes aux carrefours de rues,
- quadrillage d’une station de métro avec flics à la sortie, dans les couloirs et fréquemment dans les stations proches des foyers d’immigrés, avec parfois l’aide d’agents de la RATP réquisitionnés,
- descente sur les chantiers,
- contrôles discrets par des flics dans les gares (par exemple, gare du nord et de St Lazare à Paris)
- interventions éclairs dans les cafés, taxiphones, supermarchés, Mc Donald…
Ces types de dispositifs sont souvent mis en place aux heures de pointes, très tôt le matin et à la fin des heures de boulot.
Les rafles ont lieu dans les quartiers populaires et dans les zones d’exploitation évidente des travailleurs sans-papiers (par exemple, au métro Iéna, dans le XVIeme, à Paris, pour les femmes de ménage).
Des chaînes téléphoniques se sont organisées dans de nombreux quartiers parisiens afin de montrer l’opposition de la population à ces méthodes et aux expulsions.
Elles permettent de se rassembler rapidement sur les lieux d’une rafle. La réquisition du procureur peut être demandée aux flics sur place, ce qui permet de connaître le périmètre et le temps d’intervention. Les rassemblements au moment de ces interventions policières peuvent faire fuir les flics et empêcher concrètement des arrestations. Si peu de personnes sont présentes sur place,
il est quand même possible de prévenir les passants qu’un contrôle de police est en cours. Plus les rafles sont visibles et longues, plus il est possible de s’y opposer.
C’est pourquoi la police intervient de plus en plus rapidement et de manière mobile. Il s’est déjà vu qu’un camion de flic ne cesse de rouler et de tourner dans un quartier en attendant une arrestation.
Auparavant, sous le gouvernement Jospin, la plupart des arrestations étaient effectuées par des contrôleurs de la RATP qui, en cas de défaut de ticket et de papiers, appelaient la police. La collaboration de la RATP avec la police s’est depuis renforcée. En cela nous pouvons dire que la RATP n’a jamais oublié d’effectuer certaines de ses fonctions de service public !
2- A domicile :
Ne pas ouvrir la porte aux flics, leur parler à travers la porte
Laisser son passeport chez un ami
Des arrestations au domicile ont déjà eu lieu sur dénonciation des voisins mais aussi dans le cas d’un refus de régularisation à la suite d’un dépôt de dossier en préfecture.
Par exemple, la circulaire Sarkozy de juin 2006 promettant la régularisation des parents d’enfants scolarisés a permis de ficher massivement ces familles avec leur adresse.
Qu’est-ce qu’un domicile ? La notion de domicile est large. Il s’agit de tout lieu de résidence possible (par exemple une chambre d’hôtel ou un bureau), où la personne, « qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux » (jurisprudence : crim. 14 Janvier 1914).
Dans tous les lieux qui peuvent être considérés comme un domicile, les flics n’ont pas le droit de rentrer si on ne leur ouvre pas, sauf s’il s’agit d’une perquisition ordonnée par un officier de police judiciaire, un procureur ou un juge. Attention, les flics trouveront toujours un prétexte pour qu’on leur ouvre la porte. La meilleure chose à faire est de toujours refuser d’ouvrir la porte.
Dans les foyers, les hôtels ou les hôpitaux, seules les chambres sont considérées comme domicile. Pour les espaces collectifs des foyers et des hôtels, c’est le gérant du lieu qui peut se dire chez lui et décider de laisser ou non rentrer les flics. Si des arrestations ont lieu dans les espaces collectifs, il faut vérifier au moment du procès si le gérant avait bien donné son autorisation, en termes juridiques : « son assentiment exprès ». Cet assentiment doit donc être répété à chaque reprise et figurer en procédure.
Il ne peut pas y avoir d’autorisation permanente donnée aux flics ou aux gendarmes.
Il peut prendre la forme d’un formulaire sur lequel le gérant doit avoir écrit à la main nom, prénom, domicile, date et heure avec la mention « lu et approuvé » précédant la signature.
3- A la préfecture :
Se rendre accompagné à la préfecture
Arrêter des sans-papiers à la préfecture est tout à fait légal si la personne vient
d’elle-même.
En revanche, lorsque la personne se présente sur convocation, la légalité de l’arrestation peut être contestée. Dans cette hypothèse, la circulaire de Sarkozy du 21 février 2006, rappelle que « le préfet doit se montrer loyal en convoquant l’étranger » et que « les motifs de la convocation ne doivent pas être ambigus ». Termes eux-mêmes assez vagues, c’est le Juge des Libertés et de la Détention (JLD, dans la salle du « 35bis ». Voir chapitre 4 sur les tribunaux) qui décidera si la convocation était « claire », mais en réalité elle n’est jamais claire : on ne sait jamais à quoi s’attendre avec la préfecture.
Pour que l’arrestation soit légale, il faut également que la préfecture procède à un « examen effectif » de la situation « dont la réalité peut être clairement démontrée, notamment par la durée de l’entretien avec l’étranger » (circulaire de Sarkozy du 21 février 2006).
Ainsi, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a jugé légale l’arrestation d’un monsieur qui avait déjà un Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière (APRF). Sur convocation pour examen de sa situation, précisant de venir avec son passeport, il s’était présenté à 10h. A 13h30, les policiers lui annoncent son placement en garde à vue. Pour la CEDH, l’arrestation est légale.
Il faut donc être très prudent lorsque l’on va à la préfecture, et ne pas y aller seul. Lorsque l’on fait l’objet d’un arrêté d’expulsion (APRF ou Obligation de Quitter le Territoire Français) encore valable, même si on a fait un recours, il vaut mieux ne pas se présenter à la préfecture.
4- D’autres lieux d’arrestation :
A la mairie : Il arrive que des sans-papiers soient arrêtés le jour de leur mariage à la mairie. La préfecture peut être automatiquement mise au courant par la mairie des dates de mariage de sans-papiers. Il est donc préférable de prendre une première date lors du dépôt du dossier de mariage et de la changer auprès de la mairie quelques temps après. En général, la mairie ne transmet pas à la préfecture les changements de date. Restez vigilants le jour de la cérémonie, venez entourés et laissez votre passeport à un ami présent dans la salle de mariage. Légalement, les maires ne peuvent pas refuser un mariage. Pourtant, certains le font et, au pire, ils appellent eux-mêmes les flics sous prétexte de mariage blanc.
Aux banques et à La Poste : Tous les flics ne portent pas d’uniforme : des employés de banques signalent parfois des sans-papiers à la police et utilisent différents moyens pour les retenir jusqu’à l’arrivée des flics (par exemple, garder les papiers ou refuser de donner l’argent). Essayez d’être accompagné lors de vos démarches.
Connaître ces différentes justifications légales du contrôle n’empêche pas de se faire contrôler si on n’a rien fait : les flics font ce qu’ils veulent. Mais, il est important de savoir si il y a des vices de procédures (voir encart p. 25) : dans les 3 jours suivant son arrestation, le sans-papier passera devant le JLD (« 35bis »). Celui-ci décidera si l’arrestation est illégale ou pas et donc de la libération ou du maintien en rétention de la personne (voir chap. sur tribunaux). Quelquefois l’arrestation est jugée illégale par le JLD (« 35bis ») : c’est une des principales chances de s’en sortir et d’être libéré. Le déroulement de la garde-à-vue est également important, car là aussi les flics ne respectent pas toujours la procédure.
Chapitre 2 - La garde-à-vue
1- Les droits et les possibles vices de procédures
Lorsqu’une personne se fait contrôler, la vérification d’identité peut durer jusqu’à 4 heures sans qu’il y ait placement en garde-à-vue.
Pour les sans-papiers, la garde-à-vue commence, en général, dès que les flics constatent que la personne n’a pas de papiers, c’est-à-dire dès le début de l’interpellation.
En garde-à-vue, vous n’êtes pas obligé de répondre aux questions des flics, ni de signer le procès-verbal. En général, les interpellés donnent un nom, un prénom, une date et un lieu de naissance, une adresse. Si vous habitez avec d’autres personnes qui n’ont pas de papiers, mieux vaut ne pas donner votre vraie adresse.
L’heure du début de la garde-à-vue est importante car les flics doivent respecter certains délais :
– Informer le procureur : les flics doivent informer le procureur du placement en garde-à-vue de la personne (Art. 63 CPP). Cela doit être fait « immédiatement » ou dans un délai « le plus court possible » (une heure, selon la jurisprudence).
Si il y a un retard non justifié par des « circonstances insurmontables », c’est-à-dire un retard dû à des causes indépendantes de la volonté des flics, cela provoque la nullité de la procédure. Donc, il est toujours bon d’invoquer ce vice de procédure, même si c’est au Juge des Libertés et de la Détention (JLD, salle du « 35bis ») de dire si les justifications des flics sont valables ou pas.
– Notifier les droits : toute personne placée en garde-à-vue doit être « immédiatement » informée de ce pourquoi elle est en garde-à-vue et de ses droits: prévenir un proche, un médecin et un avocat (Art. 63-1 alinéa 1er CPP). Les flics doivent informer la personne de ses droits dans la langue qu’elle comprend, donc avec un interprète ou à l’aide d’un formulaire (Art. 63-3 alinéa 3 CPP), c’est ce qu’on appelle la notification des droits. Si elle a été faite tardivement, ou qu’elle n’a pas été traduite pour ceux qui ne parlent pas français, la procédure peut être annulée.
– Appliquer les droits : les flics doivent le faire, si le prévenu le demande, « au plus tard dans un délai de trois heures », « sauf en cas de circonstance insurmontable » (Art. 63-1 alinéa 5 CPP). Ainsi, dans un délai de 3 heures, les flics doivent :
• Appeler un proche, c’est-à-dire « une personne avec laquelle [le sanspapier] vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frères et soeurs ou son employeur » (Art. 63-2 CPP). Vous ne pouvez faire prévenir qu’une seule personne. Il peut s’agir de n’importe qui si vous
dites aux flics qu’il est de la famille ou qu’il vit avec vous.
• Prévenir un médecin. La visite peut avoir lieu au-delà du délai de 3 heures.
• Prévenir un avocat. Soit un avocat choisi, soit un avocat commis d’office.
Si l’avocat choisi est injoignable ou qu’il ne peut pas venir, on peut demander un avocat commis d’office. L’entretien avec l’avocat peut avoir lieu au-delà du délai de 3 heures. Comme on l’a déjà dit, il est préférable de connaître un avocat spécialisé dans le droit des étrangers avant une éventuelle arrestation. Les personnes à l’extérieur pourront alors rentrer en contact avec lui (voir « que faire à l’extérieur » p. 16). Après la garde-à-vue, il est possible de changer d’avocat pour préparer le procès.
– La garde-à-vue d’un sans-papier pour séjour irrégulier ne doit pas excéder 24 heures, selon la jurisprudence (Cass. Ch. Mixte 7 juillet 2000). En effet, la garde-à-vue ne doit durer que le temps strictement nécessaire à l’enquête. Dans ce cas, il s’agit de vérifier « la parfaite identité » de l’interpellé (nom, prénom, nationalité, noms des parents) et du recueil des déclarations. Si la garde-à-vue excède 24h, il est possible de l’invoquer devant le JLD.
Si ces délais ne sont pas respectés, cela constitue des vices de procédures (voir chapitre sur le JLD, « 35bis », p. 24), qui peuvent être retenus par le juge du 35bis et donc entraîner la libération du retenu.
Il faut être attentif à tout ce qu’il y a d’écrit dans les procès verbaux : lieu d’arrestation, horaire, etc. La moindre erreur peut permettre à l’avocat de soulever des vices de procédure. Si vous apercevez une erreur de procédure qui pourra vous servir au tribunal, il ne faut pas le dire aux flics : ils pourraient la corriger.
Attention, si la personne est libérée après la garde-à-vue, l’arrêté d’expulsion*
reste valable. Seul le tribunal administratif peut l’annuler.
2- Les arrêtés d’expulsion* : l’Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière (APRF) et l’Obligation de
Quitter le Territoire Français (OQTF)
Lorsqu’un sans-papier est en garde à vue, la préfecture peut délivrer un APRF ou une OQTF (ce que l’État nomme « mesures d’éloignement »).
L’Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière L’APRF ne peut être donné qu’à la suite d’un contrôle d’identité sur la voie publique ou d’une démarche administrative à la préfecture (jamais par courrier d’après la loi de décembre 2006).
L’APRF était le plus courant avant le 29 décembre 2006. Depuis, il ne peut être délivré qu’à :
– ceux qui sont rentrés illégalement en France, ou rentrés légalement mais qui sont restés sur le territoire plus d’un mois après expiration de leur visa, sans jamais avoir fait de demande de régularisation,
– ceux qui ont obtenu un titre de séjour temporaire mais n’ont pas demandé son renouvellement et se sont maintenus sur le territoire plus d’un mois après la fin de validité de leur titre de séjour,
– ceux qui sont entrés en France de manière irrégulière et qui ont fait l’objet d’une décision de refus ou de retrait de titre de séjour avant le 29 décembre 2006,
– ceux qui ont eu une OQTF plus d’un an auparavant (depuis la loi de nov. 2007),
– ceux qui ont fait l’objet d’une décision de refus ou de retrait « en raison d’une menace à l’ordre public » ou d’une condamnation pour « contrefaçon, falsification », déclaration de fausse identité ou défaut de titre de séjour.
L’APRF, contrairement à l’OQTF, permet de mettre immédiatement la personne en rétention pour l’expulser. Il est valable 1 an. Au delà de ce délai, la préfecture délivre un nouvel APRF lors de la garde-à-vue.
L’arrêté de reconduite à la frontière ne peut pas être exécuté avant un délai de 48 heures après sa notification (sa communication) qui a lieu à la fin de la garde-à-vue.
Vous ne pouvez être expulsé que deux jours après la garde-à-vue.
Pendant ce délai, vous pouvez faire un recours devant le tribunal administratif (TA) pour faire annuler l’APRF. Si vous formulez un recours, vous ne pouvez pas être expulsé avant que le magistrat ait rendu une décision sur votre recours (on dit que ce recours est suspensif ). Si vous êtes placé en rétention, le passage au tribunal administratif se fait en urgence, en général dans les 72 heures.
L’Obligation de Quitter le Territoire Français
Elle a été créée par la loi du 24 juillet 2006 et mise en place par le décret du 23 décembre 2006. L’OQTF remplace l’Invitation à Quitter le Territoire Français (IQTF) et l’Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière dans certains cas.
La préfecture ne peut délivrer une OQTF que si vous avez déposé une demande de régularisation et que celle-ci est refusée. L’OQTF doit être délivré en même temps que le refus.
Mais, dans les faits, la préfecture délivre des OQTF lors de la garde-à-vue sans justifier d’un refus de titre de séjour. Cette pratique est illégale et donc contestable au tribunal administratif.
Légalement, le placement en rétention ne peut intervenir qu’un mois après que l’OQTF ait été délivrée. Durant ce mois, vous pouvez circuler librement, mais vous êtes sensé partir par vos propres moyens. Vous ne pouvez pas être expulsé.
Un recours est possible au tribunal administratif dans ce même délai d’un mois (Voir la partie sur le tribunal administratif ). Pour faire ce recours, il est possible de demander l’aide juridictionnelle (AJ) pour payer l’avocat (voir chapitre 4 sur les tribunaux, p. 23).
Déposer la demande d’AJ prolonge le délai pour faire le recours administratif.
Mais, cela ne prolonge pas le délai durant lequel vous êtes inexpulsable. Une fois la réponse du Bureau d’aide juridictionnelle obtenue, qu’elle soit positive ou négative, un nouveau délai d’un mois s’ouvre pour saisir le tribunal administratif. Il peut donc être intéressant de faire cette demande à la fin du premier délai d’un mois, cela donne plus de temps pour préparer son dossier de recours. Attention, dans tous les cas, vous pouvez être mis en rétention passé le délai d’un mois suivant la délivrance de l’OQTF. Si vous êtes arrêté avant d’avoir déposé le recours au tribunal administratif,
il faut que l’avocat ou vous-même s’en occupe le plus rapidement possible dès votre arrivée au centre de rétention. Si vous avez déjà déposé un recours, il sera jugé en urgence dans un délai de 72 heures avec ou sans réponse du Bureau d’AJ.
Cas particulier :
Dans le cas où vous avez fait une demande d’AJ sans avoir fait le recours au TA, si vous passez devant le juge pénal pour refus d’embarquement, il faut insister sur le fait que vous avez une demande d’AJ en cours. Si le juge en tient compte, vous pouvez être libéré, cela arrive fréquemment.
L’OQTF est valable 1 an. Passé ce délai, depuis la loi Hortefeux du 20 novembre 2007, si vous êtes arrêté, la préfecture peut délivrer un APRF lors de votre placement en garde-à-vue.
3- Pressions de la police et interrogatoires
Si vous avez décidé de ne pas donner votre vraie identité (nom, prénom, origine) et que les flics ont un doute, ils peuvent vous soumettre à interrogatoire au commissariat.
Ils peuvent, par exemple, vous menacer de vous envoyer en prison ou vous mettre la pression : refus de donner à manger, interdiction d’aller aux toilettes, refus de donner à boire, insultes racistes, menaces de toutes formes, etc. Ce genre de pressions peut se reproduire au centre de rétention.
Il est possible que vous soyez connu des services de police politique, par exemple si vous faites partie d’un collectif de sans-papiers. Dans ce cas, la préfecture peut s’autoriser un interrogatoire spécial dans ses locaux (à Paris, à la 12e section des renseignements généraux). Les flics posent alors des questions sur vos activités politiques.
Que faire à l’extérieur du commissariat ?
– savoir dans quel commissariat la personne a été emmenée. En général, un proche est prévenu du placement en garde-à-vue par le commissariat à la demande du sans-papier interpellé. S’il n’y a pas d’appel et que la personne arrêtée connaissait déjà un avocat, on peut le contacter pour savoir s’il a été prévenu.
Si le sans-papier ne connaît pas d’avocat, on peut demander à n’importe quel avocat d’appeler les commissariats pour le retrouver ou on peut tenter d’appeler soi-même, sachant qu’il faut insister pour que les flics disent s’il est bien dans leur commissariat.
– prévenir un maximum de monde et prendre contact avec les collectifs de sans-papiers existants dans votre région. Si la personne fait partie d’un collectif, celui-ci participera à l’organisation de la mobilisation. Sinon, les collectifs pourront au moins donner des conseils.
– organiser un rassemblement devant le commissariat le plus rapidement possible pour montrer que la personne est entourée et soutenue, et pour rendre publique son arrestation.
– harceler le commissariat avec des coups de fil et des fax. Pour cela, diffuser largement le numéro du commissariat et le nom donné par le sans-papier arrêté.
Il peut arriver, lorsque des collectifs mettent la pression, que des sans-papiers sortent du commissariat à la fin de la garde-à-vue. La libération d’un sans-papier à la fin de la garde-à-vue dépend aussi des moyens matériels de l’État (par exemple, manque de places en centre de rétention ou dans les commissariats…) et des mystères de la machine administrative.
Dans le même temps que la mobilisation, prendre contact avec l’avocat :
– l’interpellé a désigné un avocat, alors celui-ci peut aller voir le sans-papier dès le début de la garde-à-vue (ce que peu d’avocats acceptent de faire). Dans ce cas, on peut avoir des nouvelles de l’interpellé, connaître les circonstances de l’arrestation, savoir quel papier a été délivré par la préfecture, ce qui permet de préparer la défense devant les tribunaux (voir le chapitre 4 sur les tribunaux)
– l’interpellé a vu un avocat commis d’office en garde-à-vue, mais un autre avocat peut assurer la défense devant les tribunaux. Il faut alors essayer de trouver un bon avocat spécialisé pour les sans-papiers. Sachant que la plupart demandent beaucoup d’argent, il ne faut pas hésiter à négocier. Tout sans-papier qui fait l’objet d’un APRF ou d’une OQTF et qui remplit les conditions de ressources
peut bénéficier de l’aide juridictionnelle (AJ) (voir encart p. 23). Sinon, il faudra préparer soi-même le dossier qu’on présentera à un commis d’office au moment du passage devant les tribunaux. (voir dans le chapitre 3 : « que faire à l’extérieur ? », p.21).
Chapitre 3 - Au centre de rétention
Ne pas rester isolé, essayer de s’organiser collectivement avec les autres retenus, garder un lien avec votre entourage pour qu’il puisse s’organiser à l’extérieur
Faire un recours contre l’arrêté d’expulsion* auprès du tribunal administratif
Faire appel du maintien en rétention à chaque passage devant le jld
Se renseigner, auprès des retenus, au sujet des consuls afin de se préparer aux entretiens
Après la garde-à-vue, le sans-papier est envoyé au centre de rétention pour 48 heures maximum avant de passer devant le Juge des Libertés et de la Détention (« 35bis »). C’est dans ce laps de temps qu’il faut faire les recours au TA contre l’OQTF ou l’APRF à l’aide de formulaires disponibles dans le centre. Attention, si la préfecture a votre passeport ou un laissez-passer en cours de validité, vous pouvez être expulsé avant même de passer devant le JLD (le 35bis), dans les cas où :
– vous avez un APRF en cours de validité qui date d’avant la garde-à-vue et la préfecture n’en a pas délivré un nouveau (le délai de recours de 48H est terminé),
– vous avez une OQTF dont le délai d’un mois durant lequel vous êtes inexpulsable est terminé.
Cela arrive généralement quand les arrestations ont été prévues à l’avance (exemples : convocation à la préfecture, arrestation au domicile, rafle ciblée par nationalité…) et que la préfecture a déjà réservé des places dans un avion.
Qu’est-ce qu’un centre de rétention ?
Même si l’État s’en défend, un centre de rétention est une prison pour sans-papiers. L’objectif de la rétention est de donner du temps à l’administration pour réunir les documents nécessaires à l’expulsion. Les sans-papiers sont enfermés pour une durée maximum de 32 jours, sous la surveillance permanente des flics ou des gendarmes.
Il existe des cellules d’isolement. Si le retenu cache son identité, la police s’autorise à faire des interrogatoires.
Pour un historique, voir l’article du CAE en annexe
Dans certains centres, les sans-papiers sont enfermés à plusieurs dans une cellule la nuit. Les médecins du centre proposent régulièrement aux retenus des calmants. Parfois, les flics peuvent les mélanger à la nourriture à l’insu des prisonniers.
Tout lieu peut être transformé par l’État en Local de Rétention Administrative (LRA), souvent dans des commissariats. Il existe trois LRA permanents en région parisienne (Nanterre, Cergy-Pontoise, Choisy-Le-Roi). Les étrangers arrêtés en zone frontalière (sans visa ou si les papiers qu’ils présentent sont suspectés d’être faux) peuvent aussi être retenus dans des Zones d’Attente, dans les aéroports, gares internationales…
Quels sont vos droits ?
Au centre de rétention, vous pouvez téléphoner à qui vous voulez depuis les cabines du centre (attention, dans certains centres les téléphones portables sont interdits, surtout quand ils sont équipés d’un appareil photo). Vous pouvez voir en visite qui vous voulez. Vous avez le droit de voir un médecin et de voir votre avocat en permanence.
Normalement, dans tous les centres, des vêtements sont à la disposition des retenus, mais il faut les demander, ce n’est jamais proposé.
Vous avez la possibilité de demander le statut de réfugié politique ou la protection subsidiaire (anciennement asile territorial) dans un délai de 5 jours à partir du début de la rétention. La demande est étudiée en urgence dans un délai de 96 heures. En attente de la réponse, l’État ne peut pas vous expulser. Le centre est obligé de vous donner le formulaire pour ces demandes. Soit le dossier est déjà constitué, soit des gens à l’extérieur réunissent les nombreuses pièces nécessaires. Le passeport est souvent exigé : sachez qu’il n’est pas obligatoire de le donner. Le statut de réfugié politique s’obtient en prouvant qu’on est menacé par l’État de son pays d’origine, et permet d’obtenir une carte de séjour de 10 ans. Pour la protection subsidiaire, il faut prouver qu’on est menacé par un groupe autre que l’État. Elle donne une carte de 1 an.
Attention, il faut un dossier très complet qui sera suivi d’un entretien approfondi et les réponses sont rarement positives. Le problème est que si vous donnez votre passeport pour faire la demande, l’Etat peut vous expulser très rapidement après un refus.
A qui serez-vous confrontés ?
Il ne faut faire confiance ni à la police, ni à l’ANAEM (Agence Nationale d’Accueil des Etrangers et des Migrations), anciennement OMI (Office des Migrations Internationales) : elles font partie de la machine à expulser. Attention aussi, la Cimade, visage humanitaire de cette machine, n’est pas dans le centre pour empêcher les expulsions mais pour veiller à ce que la rétention et les expulsions se fassent dans des conditions « humaines » et légales.
• La police s’occupe de la gestion du centre (transferts, visites, dossiers des retenus, repas…).
Responsable du « bon déroulement » de la rétention, elle réprime toute forme de résistance. En plus des interrogatoires, elle met la pression à tout retenu qu’elle juge trop « gênant » ou « rebelle » : les flics menacent de prison ou d’expulsion immédiate, enferment en cellule d’isolement.
Les flics vous diront toujours que, si vous restez calmes, tout se passera bien. Ne croyez pas ce que dit la police : c’est en discutant entre retenus, en organisant la pression à l’intérieur et à l’extérieur des centres que des expulsions échouent.
• L’ANAEM s’occupe, depuis l’intérieur du centre, de l’organisation matérielle de l’expulsion : elle réserve les billets d’avion, de train ou de bateau et récupère les bagages à l’extérieur. Cet organisme d’État s’occupe également du travail des étrangers en France : elle gère des contrats de travail spéciaux (« Contrat d’Accueil et d’Intégration ») qui permettent à des patrons français d’embaucher des travailleurs étrangers à moindre frais. A la fin de leur contrat, ces travailleurs doivent quitter le territoire français. (Voir tract « La police rafle, l’ANAEM déporte, l’État fait du chiffre » en annexe, p. 41).
Potentiellement, tout ce qui est dit à l’ANAEM peut être transmis à la police. Par exemple, tous les appels passés de leur bureau par les retenus sont fichés pour les flics.
• La Cimade est une association missionnée par l’État à l’intérieur du centre pour défendre les droits des sans-papiers et s’occuper des démarches administratives et juridiques des retenus (recours au tribunal, demande d’asile…). Elle a accès aux dossiers administratifs et parfois pénals ; il est possible de faire appel à elle pour obtenir des informations sur son dossier. Elle est sensée donner des conseils juridiques et délivrer les formulaires pour les recours. Dans les bureaux de la Cimade, il est possible d’envoyer et de recevoir des fax. L’association n’est pas présente tous les jours de la
semaine, elle est fermée le week-end et les jours fériés. Il est en général possible de recevoir des fax dans d’autres bureaux, de préférence à l’infirmerie. Veillez à être présent lorsque vous recevez des papiers par fax, la police peut mettre la main dessus.
La Cimade est une association humanitaire qui aide les sans-papiers à faire valoir leurs droits à l’intérieur du centre. Son statut d’association humanitaire fait que les retenus ont confiance en ses conseils. Elle peut faire avancer certains dossiers : si vous correspondez à certains critères : avoir des enfants, être gravement malade…, il faut le signaler à la Cimade qui sera plus sensible à votre cas et pourra alerter des gens à l’extérieur (associations humanitaires, RESF…). Si l’entourage du retenu le demande, certains salariés de l’association font le relais entre l’intérieur et l’extérieur.
En soutenant seulement ceux dont elle pense qu’ils ont une chance d’être régularisés ou qui sont défendus par des collectifs, elle effectue un tri dans les dossiers. Par ses pratiques, elle peut décourager les autres retenus d’utiliser tous les recours possibles : du travail en moins pour la préfecture et les tribunaux pour atteindre leurs quotas. Si certains salariés sont prêts à aider les retenus pour empêcher leur expulsion, d’autres sont favorables aux expulsions « si elles se font dans des conditions humaines ».
Il est donc toujours nécessaire d’insister auprès de la Cimade pour qu’elle vous assiste dans vos démarches. Ne la laissez pas prendre des décisions à votre place.
Que faire à l’extérieur du centre de rétention ?
En général, les sans-papiers sont placés en centre de rétention dès la fin de la garde-à-vue en attendant le passage devant le JLD. Dès son arrivée, la personne retenue peut appeler des gens à l’extérieur pour indiquer dans quel centre elle est enfermée et son passage devant le JLD.
Les visites au centre de rétention
Une fois que l’on sait où se trouve le sans-papier arrêté, on peut aller le visiter, lui apporter des affaires, des cigarettes, des journaux, des cartes téléphoniques, de l’argent... Les visites ont des horaires précis qui varient selon les centres (il faut appeler au centre pour les connaître), mais elles sont en principe possibles tous les jours. Les flics peuvent faire attendre plusieurs heures avant de faire rentrer les visiteurs. Dans certains centres, des représentants des consuls se déplacent,
chaque semaine, pour reconnaître les retenus. Ces jours-là, les visites sont repoussées de quelques heures et parfois annulées.
Avant de voir le retenu, il faut connaître le nom qu’il a donné aux flics. Les visiteurs sont en général fouillés et passés au détecteur de métaux. La police demande un papier d’identité ou un titre de séjour en cours de validité. Attention, si le retenu a choisi de donner un faux nom, ne pas se présenter comme quelqu’un de la famille. Aussi, dans une discussion banale, la police peut tenter de
récupérer des informations sur l’identité (nom et nationalité) de la personne que vous visitez.
Sachez qu’un fichier des visiteurs du centre de rétention est tenu depuis longtemps.
Cette liste était transmise au fichier ELOI depuis 2006 dans le but d’avoir à disposition les noms des soutiens dans le cadre de la répression de « l’aide au séjour irrégulier ». Officiellement, cette liste a été supprimée. Depuis décembre 2007, le fichier Eloi, comme éloignement, centralise pendant 3 ans des informations sur les personnes qui ont un arrêté d’expulsion*. Il est à remarquer qu’il centralise et conserve pendant 3 mois les noms et coordonnées des personnes qui fournissent une adresse pour une assignation à résidence.
Avant le passage devant le jld
Dans un premier temps, il est bon d’aller visiter le retenu pour le soutenir et préparer avec lui sa défense devant les tribunaux :
– pour le JLD : lui demander les conditions exactes de son arrestation, de sa garde à vue et s’il veut demander l’assignation à résidence (voir paragraphe sur le JLD, p. 24),
– pour le tribunal administratif : réunir tous les papiers nécessaires au recours contre l’APRF ou l’OQTF (voir paragraphe sur le tribunal administratif, p. 29).
Si ce n’est pas déjà fait, on peut ensuite trouver un avocat qui accepte l’aide juridictionnelle et aller le voir pour lui remettre les pièces du dossier et discuter de la défense.
Organiser la pression
Si le sans-papier est maintenu en rétention après son passage devant le JLD (« 35bis ») et le tribunal administratif, l’administration n’a plus qu’à obtenir un laissez-passer consulaire (dans le cas où elle n’a pas de passeport en cours de validité). Une mobilisation à l’extérieur est donc très importante à ce moment-là. C’est souvent le seul moyen, en plus de la pression sur le consul, de faire sortir le sans-papier avant même la fin de la période de rétention.
Il faut par tous les moyens montrer que tant que le ou les retenus ne seront pas dehors, ce sera le bordel. L’idéal est évidemment d’être nombreux et d’avoir du temps. Il est possible, par exemple, d’organiser des rassemblements devant le centre de rétention, en faisant le plus de bruit possible, pour que les gens à l’intérieur puissent entendre:
Tenter de leur parler aux fenêtres si l’architecture du centre le permet (c’est encore le cas au centre de Vincennes, par exemple).
On peut aussi diffuser des communiqués et des tracts sur la situation, des témoignages de gens qui sont à l’intérieur : tenter de créer le plus de liens possibles entre l’intérieur et l’extérieur. C’est toujours l’occasion de parler de l’existence des centres de rétention et de ce que vivent les gens à l’intérieur.
Si un mouvement collectif s’organise à l’intérieur du centre, on peut faire des visites collectives ; échanger des informations sur le maximum de personnes à l’intérieur et tenter de construire une mobilisation commune et coordonnée. Il est également possible de faire plusieurs visites pour une seule personne, ce qui permet de montrer aux policiers et à la préfecture que la personne est entourée et soutenue.
C’est grâce à ces formes de luttes offensives que des retenus sont libérés, parfois très vite, la préfecture préférant éviter le bordel créé par la mobilisation.
Il est nécessaire de lutter dans la durée pour construire un rapport de force avec la préfecture.
Par exemple, les collectifs qui mènent depuis des années des luttes offensives et maintiennent la pression sur l’État, empêchent de nombreuses expulsions et arrachent des accords de régularisation à la préfecture.
Chapitre 4 - Les tribunaux
Etre en contact avec un avocat efficace, avant même de se faire arrêter
Essayer de relever un maximum de vices de procédure depuis l’arrestation et en parler à l’avocat
Faire tous les recours le plus rapidement possible (appels devant le jld, recours contre l’arrêté d’expulsion* au tribunal administratif)
Ne pas remettre le passeport avant d’être certain d’avoir l’assignation à résidence
A l’extérieur, réunir les documents nécessaires pour la défense du sans-papier
Etre nombreux dans les différentes salles d’audiences
Dans les trois jours qui suivent l’arrestation, vous passerez obligatoirement devant un juge « des libertés et de la détention » (JLD), autrement appelé le juge du « 35bis ».
Si vous avez fait un recours contre l’arrêté d’expulsion*, vous passerez devant un autre juge : le juge administratif.
L’aide juridictionnelle
L’aide juridictionnelle (AJ) est une aide financière pour payer un avocat. Les sanspapiers ont droit à l’aide juridictionnelle pour se défendre dans le cadre des procédures d’expulsion (pour plus de précisions, voir le site http://sos-net.eu.org).
Un formulaire de demande d’AJ peut se télécharger sur le site du ministère de la justice (http://www.vos-droits.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10062&ssrubrique=10207&article=11139) ou peut se retirer dans tous les tribunaux.
Attention : faire la demande d’aide juridictionnelle avant de déposer le recours (si on veut que ce soit l’avocat qui rédige le recours), ou le jour-même (si on rédige le recours soi-même et qu’on veut juste que l’avocat plaide). Si on la demande après, elle est refusée.
Pour toutes les démarches juridiques (recours contre APRF ou OQTF, plaidoiries au tribunal), vous pouvez prendre un avocat commis d’office ou de votre choix. Au centre de rétention, vous pouvez demander à la Cimade une liste d’avocats spécialisés dans le droit des étrangers et leurs tarifs. Pour payer un avocat de votre choix, vous avez droit à l’aide juridictionnelle (AJ). Attention, tous les avocats n’acceptent pas l’AJ, ou demandent un supplément.
1- Premier passage devant le Juge des Libertés et de la Détention (salle du 35bis)
Après 48 heures maximum au centre, vous allez passer au « 35bis », une salle du tribunal où sont jugés les sans-papiers pour décider de leur maintien ou non en rétention. Les audiences sont publiques, elles se déroulent en présence d’un juge, de vous-même, de votre avocat et d’un représentant de la préfecture qui va plaider la plupart du temps pour que vous soyez maintenu en rétention.
Vous avez droit à un traducteur et à un avocat commis d’office si vous n’avez pas d’avocat. Attention, l’avocat n’a pas toujours les bonnes solutions. Il faut insister auprès de lui pour qu’il cherche des vices de procédure et plaide la libération. Si vous avez remarqué un vice (confusion dans les horaires, sur le lieu d’arrestation, pas d’interprète, pas de téléphone…), il faut le lui signaler.
Le JLD peut rendre quatre décisions:
– la libération pour vice de procédure,
– la libération pour raisons de santé,
– l’assignation à résidence,
– le maintien en rétention .
Pour obtenir la libération, l’avocat doit montrer au juge qu’il y a des vices de procédure au moment de l’arrestation, de la garde-à-vue ou du placement en rétention. Si le dossier présenté montre que les règles du Code de Procédure Pénale n’ont pas été respectées, l’avocat doit l’invoquer avant toute autre chose, c’est-à dire qu’il doit en parler dès le début du procès. Le juge peut alors donner raison à
l’avocat et annuler la procédure : le sans-papier est libéré.
Si le sans-papier le demande, l’avocat plaide ensuite l’assignation à résidence. Sur ce point la question de la remise du passeport aux autorités doit être mûrement
Qu’est-ce qu’un vice de procédure ?
Les flics, pour contrôler, interpeller, etc. doivent respecter les règles du Code de Procédure Pénale. Les règles peuvent changer si une nouvelle loi est votée. Lorsqu’elles ne sont pas respectées, on dit qu’il y a vice de procédure. S’il le reconnaît, un juge peut alors faire annuler la procédure : la personne arrêtée est libérée. Pour un sanspapier, les vices de procédure, plaidés devant le Juge des Libertés et de la Détention, sont le principal moyen de sortir du centre. Le tribunal ne prend en général en
compte que les vices de procédure qui sont dans les pièces du dossier. Ce qui n’empêche pas de parler d’autres vices de procédure sans avoir de preuves écrites.
Ces règles de procédure sont censées garantir les droits des personnes entre les mains de la police. Elles sont assez floues, notamment concernant le contrôle d’identité et le placement en garde à vue. Elles laissent donc une marge de manoeuvre aux flics. C’est le juge qui déterminera au cas par cas si la procédure a été respectée. Par exemple, les flics doivent notifier ses droits au prévenu dès son placement en garde-à-vue « sauf circonstance insurmontable ». C’est le juge qui décidera si les raisons du retard données par les flics sont des « circonstances insurmontables ».
IMPORTANT : tous les vices de procédure qui semblent exister doivent être invoqués au 35bis. Car lors de l’appel, seuls ceux invoqués au premier passage au 35bis pourront être soulevés.
Exemples de vices de procédure :
- ne pas avoir été prévenu de ses droits lors du placement en garde-à-vue ou en rétention,
- ne pas avoir eu droit à un interprète,
- le contrôle de police n’est pas suffisamment justifié. Par exemple, plusieurs contrôles ont été jugés illégaux parce que les flics expliquaient avoir contrôlé des personnes pour la seule raison qu’elles étaient adossées à un mur,
- les flics n’ont pas noté l’heure de départ ou d’arrivée d’un déplacement…
A tenter : toute personne qui passe en procès doit être prévenue par écrit et à l’avance du jour et de l’heure de l’audience. Jusqu’à maintenant, aucun sans-papier n’a reçu une telle convocation. Plaider ce vice de procédure à chaque passage, ce qui marche selon le juge.
Si un vice de procédure est retenu par le juge alors la procédure est annulée.
Vous serez libéré, mais il faut attendre quatre heures avant d’être relâché, c’est le délai dont dispose l’Etat pour faire appel de cette décision. Si aucun vice de procédure n’est retenu alors le juge peut vous maintenir en rétention pour 15 jours, ou bien vous assigner à résidence.
Les règles de procédure que les flics doivent appliquer sont évoquées plus haut dans les chapitres « l’arrestation » et « la garde-à-vue».
réfléchie et discutée avec l’avocat : sa remise est obligatoire pour obtenir l’assignation à résidence. Le passeport ne doit pas être donné à la préfecture tant que l’assignation à résidence n’est pas accordée. Il faut alors demander à l’avocat de le montrer sans le donner.
Obtenir la libération avec des vices de procédure : les conditions d’arrestation, de garde-à-vue et de placement en rétention
L’avocat doit parler des vices de procédure avant toute autre chose : ils permettent d’obtenir la libération immédiate. Toutes les procédures d’expulsion se font dans l’urgence. Dans presque tous les dossiers, on peut trouver des vices en cherchant bien.
Obtenir la libération pour raisons de santé
Le JLD peut décider de libérer un retenu sur avis médical sans passeport et sans même assigner à résidence. Il peut également ordonner une expertise médicale pour prendre sa décision. Quand vous êtes dans le centre, vous pouvez saisir le juge sur simple requête, mais celle-ci peut être refusée.
La préfecture peut aussi décider de libérer un retenu pour raison médicale.
Obtenir l’assignation à résidence
Aujourd’hui, elle est rarement prononcée, les juges décident plutôt le maintien en rétention.
L’assignation à résidence est faite pour laisser le sans-papier rentrer dans « son pays » par ses propres moyens dans un délai décidé par le juge, en général 15 jours. Elle consiste à obliger le sans-papier à résider dans un lieu connu de l’administration (domicile personnel ou d’un proche par exemple).
Durant ce délai, le juge peut obliger le sans-papier à se présenter au commissariat. Si la décision n’est pas respectée, c’est un délit passible de 3 ans de prison maximum, mais, à notre connaissance, personne n’a été condamné jusqu’à maintenant. Si le sans-papier déclare habiter avec quelqu’un, ce dernier peut être considéré par la justice comme un garant de l’assignation. En cas de non respect de l’assignation, le garant peut en théorie être condamné pour « aide au séjour irrégulier ». Il risque jusqu’à 5 ans de prison et 30 000 euros d’amende. Jusqu’à maintenant, seuls des « passeurs » ont été condamnés pour « aide à l’entrée irrégulière », l’« aide au séjour irrégulier »
n’a pas été poursuivie.
L’assignation à résidence peut être décidée sous trois conditions :
– que le sans-papier fournisse
l’adresse où il réside : les flics ont un lieu où le chercher s’il ne quitte pas le territoire français. Le tribunal juge de la fiabilité des « garanties de représentation » pour accepter cette adresse, – qu’il fournisse à la préfecture son passeport en cours de validité. Selon les juges, un passeport périmé peut suffire pour les algériens,
– qu’il s’engage à quitter la France dans le délai décidé par le juge.
L’assignation à résidence permet au sans-papier de sortir du centre de rétention.
Mais, attention, le juge exige le passeport avant d’étudier la demande.
Elle comporte donc un risque : si l’assignation est refusée, vous retournez au centre et, grâce au passeport, les autorités n’ont plus qu’à trouver une place dans un avion.
Pour éviter ce danger, il faut insister auprès de l’avocat pour qu’il ne donne pas le passeport. Il peut le montrer et dire qu’il ne le délivrera que si l’assignation à résidence est accordée. Si vous n’avez pas confiance en votre avocat, le plus sûr est que le passeport reste entre les mains des proches qui se trouvent dans la salle. Ils peuvent le montrer au juge (sans le donner) le moment venu.
Les avocats commis d’office disent souvent qu’ils ne voient pas de vices de procédure et qu’ils ne peuvent plaider que sur l’assignation à résidence. La réalité est qu’ils n’ont souvent pas le temps d’étudier les dossiers pour y déceler des vices de procédure (d’où l’intérêt d’avoir un avocat avec qui on a pu discuter de la défense). Ainsi, les avocats commis d’office insistent souvent pour que les sans-papiers donnent leur passeport alors que l’assignation à résidence est difficile à obtenir. Par cette pratique, ils participent au bon fonctionnement de la procédure d’expulsion car ils permettent aux
autorités de gagner du temps et de l’argent en évitant d’avoir à présenter la personne aux consulats.
Si vous êtes maintenu en rétention, il faut systématiquement faire appel de la décision du JLD (voir sur le JLD, p. 24) dans les 24 heures, soit par l’intermédiaire de l’avocat, soit par vous-même au centre où vous pouvez demander le formulaire. Cela donne une seconde chance d’être libéré.
Que faire à l’extérieur du tribunal ?
Pour les amis, la famille et les collectifs qui veulent aider à préparer le passage au 35bis (JLD), l’idéal est de connaître la situation de l’interpellé.
– Avant le passage au 35bis, si vous avez le temps, il est possible de rencontrer l’interpellé au centre de rétention. Ce qui permet de discuter ensemble de la situation. Le fait d’être enfermé et susceptible d’être expulsé change parfois les intentions des personnes. Aussi, voir un proche permet de se mettre d’accord notamment concernant l’assignation à résidence et la question du passeport. Sinon,
tentez de l’avoir par téléphone.
– la salle du 35bis est souvent vide et l’audience dure en moyenne cinq minutes par personne. Aussi, être un maximum pour montrer qu’il y a du soutien derrière la personne, pour mettre la pression sur le juge et le contraindre à regarder plus attentivement les dossiers.
– parler à l’avocat des possibles vices de procédure. Si certaines personnes extérieures étaient là lors de l’arrestation, elles peuvent expliquer comment cela s’est passé et ce qui peut constituer un vice de procédure.
– garder le passeport dans la salle et éviter qu’il finisse dans les mains de la préfecture ou du juge.
– rapporter les garanties de représentation en cas de demande d’assignation à résidence (justificatifs de domicile ou attestation d’hébergement avec la photocopie de la pièce d’identité et d’un justificatif de domicile de l’hébergeant…).
A noter que la discussion avec l’avocat peut être difficile car beaucoup n’ acceptent pas qu’on intervienne dans « leur travail » et estiment n’avoir de conseil à recevoir de personne. Mais discuter avec l’avocat peut l’inciter à regarder mieux le dossier et à bien interroger le sans-papier sur ses choix. Les avocats commis d’office ont deux heures pour étudier tous les dossiers du jour. Même pour les avocats les plus motivés, trouver les bons arguments juridiques en si peu de temps n’est pas toujours évident.
2- Le tribunal administratif (TA) : recours contre l’ OQTF ou l’APRF
Les audiences du TA, comme celles devant le JLD, sont expédiées en quelques minutes.
Là aussi, remplir la salle met la pression sur le juge qui sera plus attentif aux dossiers.
Le tribunal administratif juge uniquement de la validité de l’arrêté d’expulsion*.
Il vérifie sa validité sur :
– la forme : si l’arrêté d’expulsion* correspond à la situation administrative du sans-papier, en gros si la préfecture pouvait lui délivrer un arrêté d’expulsion* et si elle a délivré le bon, APRF ou OQTF (voir le chapitre 2 sur la garde-à-vue) ; si le document est bien lisible, le nom correctement écrit…
– le fond : d’après la Convention européenne des droits de l’homme, l’expulsion ne doit pas « porter une atteinte excessive et disproportionnée à la vie privée et familiale » du sans-papier, par exemple s’il a des enfants français ou s’il est marié, de même s’il est gravement malade. On peut aussi invoquer les années de présence en France, son « intégration » (avec contrats de travail, feuilles d’impôts, témoignages de proches, promesses d’embauche, lettres motivées de patrons…), ou encore des menaces dans le pays de renvoi.
Il est possible de plaider l’annulation de l’arrêté qui fixe le pays de renvoi, ce qui n’annule pas l’arrêté d’expulsion. Cela peut retarder la procédure car la préfecture doit trouver un autre pays de renvoi.
Devant le juge administratif, c’est seulement la légalité de l’APRF ou de l’OQTF qui est étudiée. Les conditions d’arrestation ne peuvent être contestées que devant le JLD.
Même si les arrêtés d’expulsion* sont rarement annulés, faire un recours permet de retarder l’expulsion.
quels sont les documents à joindre au recours ?
– la copie de l'arrêté d’expulsion*
– tout document à l'appui de votre argumentation (situation familiale en France, risques dans le pays d'origine, etc)
– Attention : gardez vos documents originaux et n’adressez que des photocopies au tribunal
– On trouvera des modèles de recours et des exemples d’argumentation sur le site du GISTI [http://www.gisti.org/spip.php ?article224]
Contre l’APRF
Le recours contre l’APRF doit être fait dans les 48h qui suivent sa notification, à la fin de la garde-à-vue. Dans un premier temps, il suffit d’envoyer par fax ou de déposer au tribunal le recours sans pièce justificative dans les 48 heures. Attention :c’est la réception de votre recours qui compte, et non son envoi, c’est-à-dire que le tribunal administratif doit avoir reçu votre recours dans un délai de 48h. Il
faudra ensuite déposer le dossier complet au greffe du tribunal. Vous pouvez aussi l’apporter le jour de l’audience.
Contre l’OQTF
Le recours contre l’OQTF doit être fait dans un délai maximum d’un mois.
Durant ce mois, vous ne pourrez pas être placé en rétention. L’audience n’aura lieu que trois à six mois plus tard. Si vous vous faîtes arrêter avant la date du procès et plus d’un mois après la délivrance de l’OQTF, vous pouvez être placé en rétention.
Le tribunal statue alors en urgence dans un délai de 72h. Si vous êtes libre, le procès aura lieu devant trois juges. Si vous êtes entre les mains de la police, seul un juge statuera.
Un modèle pour faire le recours est disponible en ligne dans la brochure « Que faire après une OQTF » (sur le site du Gisti).
Généralement, le sans-papier arrêté passe le même jour devant le juge administratif et le JLD.
A tenter contre l’OQTF :
Des sans-papiers peuvent se retrouver avec des OQTF « privées de base légale », c’est à dire qu’elles peuvent être annulées par le tribunal administratif.
En effet, légalement, l’OQTF ne peut être délivrée qu’en même temps qu’un refus de titre de séjour ou qu’un refus de renouvellement de titre de séjour. Si ce n’est pas le cas, il faut tenter de soulever ce point devant le juge pour annuler l’OQTF.
L’Obligation de Quitter le Territoire Français est valable un an : si aucune nouvelle demande de régularisation n’a été faite, elle est périmée et la préfecture ne peut légalement en délivrer une nouvelle. Avant la loi Hortefeux du 20 novembre 2007, elle ne pouvait pas non plus donner d’APRF dans certains cas. Aujourd’hui, ce vide juridique n’existe plus. Un an après la création de l’OQTF et donc avant même qu’un sans papier ne rentre dans le cadre de ce vide juridique, la loi a été modifiée. Désormais, la préfecture peut toujours délivrer un APRF lorsque l’OQTF est périmée.
3- Le deuxième passage devant le JLD (« 35bis »)
Quinze jours après le premier passage devant le 35bis, le sans-papier est re-présenté au JLD pour décider s’il prolonge ou non la rétention de 15 jours.
L’avocat doit également chercher des vices de procédures.
– Il peut plaider l’absence de convocation au tribunal.
– Etre attentif à l’heure de passage devant le juge : l’administration ne peut pas retenir plus de 15 jours un sans-papier. Par exemple, si le premier passage au devant le JLD a lieu à 10 heures du matin, le deuxième procès doit se dérouler avant 10 heures le quinzième jour.
– Tenter de plaider la « détention abusive » : si le juge estime que la préfecture ne fait pas de démarche pour retrouver l’identité du sans-papier, alors il peut le libérer ou prolonger sa rétention de 5 jours. Cela est cependant rarement prononcé…
– Si il y a eu transfert pendant la rétention, les flics peuvent une fois de plus commettre des vices de procédure. Quelques exemples : vérifier que les flics ont informé du transfert le procureur et le juge des libertés (si il y a changement de département, les procureurs de chaque préfecture doivent être informés) ; que les heures de départ et d’arrivée sont notées dans le dossier ; qu’il y a eu nouvelle
notification des droits, etc.
Les retenus qui ne sont pas expulsés sortent au bout de 32 jours, parfois avant, par exemple, si les centres de rétention sont sur-occupés. Mais cela va arriver de moins en moins, étant donné les constructions de nouveaux centres de rétention un peu partout sur le territoire français.
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