Après avoir posé quelques questions à Tideux du Tamahagané Clan en septembre dernier pour la sortie de son projet « Patience » (https://www.bboykonsian.com/Patience--l-album-instrumental-de-Tideux-disponible-en-CD-Digital_a3768.html), c’est autour de Raan de jouer l’jeu des questions/réponses autour du beatmaking et de la sortie physique de son projet instrumental « Legacy of rage ».
Interview Raan
- Peux-tu revenir un peu sur ton parcours, les débuts ; je sais que tu es aussi rappeur en plus d’ingé son et de beatmaker et que tu as joué de la basse dans un groupe de métal ?
Aussi longtemps que je me souvienne la musique a toujours été présente dans ma vie. Ma mère et ma grande sœur en écoutaient beaucoup, constamment, elles écoutaient énormément de styles différents. Sans qu’elles s’en rendent compte, elles m’ont transmis un gros héritage culturel. Je me suis vite rendu compte que la musique me procure des émotions fortes, j’y suis très sensible. J’ai commencé à la pratiquer en tant d’autodidacte, quand ma mère m’a offert ma première guitare folk à mes 16 ans… 24 ans plus tard, j’en pratique toujours avec la même passion qu’au premier jour. De nature très curieux, je me suis intéressé à tous types d’instruments et dès que j’ai eu l’âge de bosser, j’ai économisé pour m’acheter une guitare électrique, une batterie, des boîtes à rythmes et puis une basse… J’ai jamais approfondi leurs technicités comme un virtuose mais je voulais juste en maîtriser les bases pour comprendre leur fonctionnement. Mon histoire avec le rap, c’est encore grâce à ma sœur, elle a toujours été éclectique avec sa discothèque. Elle me faisait des cassettes de compilations et elle m’a éduqué avec du Public Enemy, du KRS One et du Beastie Boys entre autres… Et quand j’ai commencé à avoir une conscience sociale c’est ce style de musique que j’ai voulu pratiquer plus qu’un autre. J’ai commencé à écrire mes premiers textes et à m’entraîner au micro…
Dans le quartier où j’ai grandi, j’ai rencontré des personnes qui en pratiquaient aussi et de fil en aiguille, on a monté un groupe, ensuite il y a d’autres musiciens qui ont incorporé la formation et puis, on a basculé sur une esthétique plus métal ce qui ne me déplaisait pas car je suis un gros fan de Rage against the machine. À un moment de l’histoire du groupe, j’ai dû faire le choix de laisser le micro de côté et de prendre la basse pour que le groupe puisse continuer à vivre, ça a été un mal pour un bien : j’ai pu développer mon jeu de basse…
Parallèlement, j’ai continué à m’exercer au micro dans des free parties sur de la Drum & Bass et dans des groupes de reggae… En 2004, je me suis acheté mon premier ordi ; on était en plein essor des home studios et là j’étais parti pour un voyage de sans retour ahahah. J’ai découvert l’art du sampling très tardivement par rapport au moment où j’ai pratiqué le rap. Au début, je composais mes instrus sur des machines et dès que j’ai eu un ordi c’est devenu une vraie drogue et j’ai en plus enrichi fortement ma culture musicale. De là, premier projet mixtape, premiers enregistrements de voix et j’ai commencé à m’investir, à parfaire mes connaissances sur le monde des studios.
J’ai aussi dans mes bagages une bonne expérience scénique. Le travail de la scène est différent du studio, elle est très passionnante, très riche humainement, de plus ça permet de faire beaucoup de rencontres et de voyager.
- Quels sont tes influences au niveau du beatmaking, et d’où te vient cette passion pour l’univers « samouraï » ?
Les premières grosses tartes que j’ai prises au niveau du beatmaking c’était avec Hi-tek, Dj premier, 9th Wonder, Lord finesse entre autres principalement. J’ai toujours été plus sensible au son east coast. J’adore ce parti pris de mettre la drum et la basse en avant avec leurs ambiances sombres. J’ai grandi dans un cadre angoissant et stressant où j’ai dû apprendre à contenir ma rage face à mon impuissance de pouvoir changer mon quotidien tout en subissant la violence du système donc c’est pour cette raison que cette vibe me parle le plus… Après il y a un tas d’autres producteurs que j’adore.
Ma passion pour l’univers des samouraïs remonte à l’enfance ; j’étais tombé sur des films et ensuite je m’étais renseigné un peu plus sur leur histoire, leur code du guerrier, leur philosophie…
Je suis fasciné par la plupart des Japonais, qui se consacrent à leur art de façon presque fanatique parce qu’ils veulent arriver à une maîtrise totale de leur discipline.
- Comment vous est venue l’idée de créer le Tamahagané clan et comment as-tu connu les autres membres ?
Le projet Tamahagané Clan est né pendant la conception de l’album « Immonde, nuisible et hostile » de Fl-how. On avait un tas de prods non-utilisées en stock et Tideux me disait que ce serait dommage de les mettre au placard… À ce moment, je regardais un documentaire sur le « tamahagane » le minerai qui sert à forger les katanas et je me suis amusé à imaginer ce parallèle : le minerai = le sample, les coups de marteaux pour fabriquer la lame = la drum… J’ai proposé ce nom de projet aux bros en leur montrant le documentaire et ça a fait « tilt » ! On a inclus notre pote Sinok426 pour l’artwork (c’est un mec bourré de talent avec qui on a déjà une histoire artistique).
C’est Tideux que je connais depuis le plus longtemps. La première fois que je l’ai rencontré c’était à une des répets de mon premier groupe de rap, BSK, en 1998. C’est mon frère d’armes qui me l’avait présenté comme son jeune protégé… Il avait l’air d’un ange avec son regard émerveillé de voir des gars faire du rap ahaha… Mon frère d’armes avait déjà pressenti tout son potentiel artistique ! On a mis au moins 15 ans à s’apprivoiser l’un et l’autre et il m’a fallu des années pour reconnaitre la puissance artistique de ce type. Ce mec est habité par le rap autant que je le suis.
Fl-how, la première fois qu’on s’est vu, c’était en 2006 à un concert mais j’avais aucune idée de ce qu’il faisait artistiquement et je ne crois pas que je lui avais laissé une bonne impression ahahah, on débattait sur les organisations de concerts… Ensuite, c’était pendant mon projet « Rashane Chapter 2 » en 2010 qu’on a vraiment créé un lien. C’était un pote qui m’avait fait écouter des tracks de « Dernier Rempart », j’avais immédiatement pris une claque et j’avais évidemment invité les deux mc’s du groupe à participer à mon projet… et c’est là aussi que j’avais rencontré Dj Kekra.
Many, je l’ai rencontré à un concert de Première Ligne, c’est Fl-how qui me l’avait présenté. J’avais écouté quelques beats à lui auparavant car il participait à l’album « Immonde, nuisible et hostile ». Il y avait déjà des grosses idées en devenir et il a sa touche émotionnelle bien à lui. Je pense qu’il n’a pas fini de nous surprendre au fil du temps…
- Comment as-tu créé l’univers musical de « Legacy of rage » ?
Ça faisait un moment que je bossais beaucoup pour les autres et là j’avais envie de me consacrer du temps rien que pour moi, j’ai pris un mois à chercher les samples et ensuite un autre à faire les beats. J’ai vraiment fait ce projet avec ce qu’il y avait comme matière brute sur ce moment donné… J’ai ensuite fait en sorte d’avoir des ambiances très différentes et une fois n’est pas coutume Sinok426 a géré l’artwork.
- Pourquoi le sortir en vinyle et cassette mais pas en CD ?
Ce projet est vraiment un délire de puriste donc tout de suite ça m’a paru évident que le support physique devait l’être aussi… J’en profite aussi pour dire que sans Dj Kekra, le vinyle n’aurait pas vu le jour donc merci à toi mon bro.
- Parle-nous de l’asso Lumières Urbaines dont tu es un des membres les plus actifs sur Concarneau.
L’asso existe depuis 2003, elle a pour but de développer la culture hip-hop à Concarneau. Elle nous permet d’avoir des lieux pour faire des concerts, d’aider les artistes à se développer et à s’épanouir. On est vraiment dans un délire d’échanges, d’entraide et de transmission. L’asso est composée de graffeurs, de musiciens et de bénévoles.
- La geekerie au niveau du matos son comment tu gères ? Tu te soignes ? Ou tu assumes d’être totalement dépendant ?
J’assume de A à Z d’être complètement accro à tout ce qui touche au matos son particulièrement à celui du studio, le seul truc qui me freine c’est le prix exorbitant du matériel réservé à l’élite de droite qui peut se l’offrir. Je suis toujours en quête, projet après projet, d’améliorer mon son, je me remets constamment en question, je me considère toujours en apprentissage ! C’est tellement passionnant que je ne m’ennuie jamais…
- Qu’est-ce que tu conseillerais comme « starter pack » niveau matos pour un-e jeune qui veut monter un p’tit home-studio de base pour enregistrer des trucs propres ?
Tout est question de budget !!! Après si je devais conseiller tous les gars qui ont les poches vides mais qu’ils veulent un « starter pack qui tient la route » :
- en monitoring : « Yamaha hs7 » bien pour le mix et faire de la prod si t’as 365 € autrement les « Jbl lsr305 » sont vraiment cool pour 200 €.
- en carte son : « foscurite scarlett 2i2 2nd gen » 129 € autrement la « steinberg ur28m » 369 €.
- en mic : « Aston Origin » 279 € mic anglais très impressionnant pour le prix autrement « Rode NT1-A » 155 €.
Les futurs, je n’aime pas trop en parler ahaha, mais ceux qui sont en cours oui, en ce moment, je travaille sur l’album de Skalpel « Palante, siempre palante » ça va être lourd… J’ai été sollicité pour enregistrer, pour mixer et j’ai quelques prods dessus, l’album de Cerbère et Makawa, mc et dj de Angers j’ai fait les recs et là je termine le mixage. L’album de mon protégé Otomatik on est à 7 tracks… Je rec., je mixe, je fais des prods trap électro dessus je ne voulais pas rester dans ma zone de confort… Je taffe aussi avec l’équipe sur le solo de Tideux, on est encore sur la créa pour l’instant… Voilà pour l’essentiel !
- Un mot d’la fin ?
Merci à toi pour l’interview, ma famille et mon équipe je vous aime.
Tracklist "Legacy of rage" :
Vinyl : Side A : Insurrektion, Wild horses , Life, Massacre, Stop crying / Side B : Crazy melody, Compassion, Urban ugliness, The silent flute, Funky kekra
Cassette et digital : Premices, Insurrektion, Life, Massacre, Harmony, Stop crying, Crazy melody, Compassion, Kiss of death, Urban ugliness, The silent flute, Funky kekra, Outro
Event FB : https://www.facebook.com/events/1741922972771106
FB R2an Recordz : https://www.facebook.com/R2AN-RECORDZ-218527194843884
Bandcamp : https://r2an-recordz.bandcamp.com
Le vinyl sera en vente dans notre boutique en ligne : https://www.bboykonsian.com/shop