'Jeu d'échecs' par RaGe

25/01/2011

'Jeu d'échecs' par RaGe

RaGe nous présente ici sept personnages bien différents qui retracent le parcours d'un jeune hébergé depuis la petite enfance dans les institutions d'accueil françaises et belges.
"Jeu d'échecs" aborde divers sujets, de la violence faite aux femmes à l'immigration, en passant par la toxicomanie, la politique de l'éducation en milieu institutionnel, la police, la justice...


Jeu d'échecs.
Par RaGe


Pensées libres.

Parce que nous ne sommes que des pions, nous reproduisons les atrocités commises par la pyramide sociétale. Ça pourrait ressembler à une conclusion, mais ce n'est qu'une intro. Pour pouvoir être bref, il me faudra passer les détails concernant ce monde de merde et juste me concentrer sur une analyse de moi-même...
Vous venez de prendre place dans l'appareil 667 pour un trip égocentrique à destination du monde réel, là où l'humain n'est rien d'autre qu'un pur produit de la machine, formaté pour rentrer dans le moule, même malgré lui...
Depuis petit, alors que je n'étais qu'un enfant de la Ddass, un cas social (mais nous sommes plein, donc nous ne sommes plus des cas) comme ils aiment nous appeler, j'ai toujours ressenti une haine profonde envers la société, envers le monde. Cette haine s'est notamment traduite dans la provocation, la violence, mes choix musicaux, qui eux aussi ont évolué. J'ai alors pu apprendre la différence entre le rap de merde et le bon rap, entre le rap gangsta qui m'emmerde et le hip hop
contestataire qui, lui, me fait vibrer. Je pense que le hip hop a été mon meilleur prof. Associé au milieu hostile, violent et injuste dans lequel j'ai dû progresser, il me semble que c'est cette formule qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui, un anarchiste autonome libertaire, et j'en passe. Ou au moins, c'est en tant que tel qu'il me plait de me qualifier.
Cette précision, quant à la façon dont j'aime me définir est importante. Car dans nos vies, il y a ce que nous souhaiterions être et ce que nous sommes vraiment.
Parfois, les deux sont en osmose, à d'autres instants, on peut clairement percevoir l'amalgame. J'aimerais apporter du bonheur aux gens, pourtant, souvent, je ne suis qu'un marchand de tristesse... J'en donne à qui veut, et même à ceux qui n'en veulent pas. Tu veux du gore ?
Demande à Thomas ! Il t'en racontera des tonnes...
J'aimerais être un meilleur homme, un sage, un type honnête... Et pourtant, je ne trouve pas de modèle à suivre... Peut-être parce que les objectifs que l'on se fixe sont inaccessibles ? Ou parce que dans les institutions, on m'a formé à m'adapter, que je suis doté d'une trop grande faculté d'adaptation, et que ce qui en résulte, c'est que je m'adapte. Je m'adapte au monde, donc si le monde ment, je mens, si le monde est violent, je suis violent, si le monde me fait souffrir, je fais souffrir... Si le monde est instable, je suis instable... Instable dans la routine, mais toujours à l'aise dans l'instabilité...
A trop regarder autour de soi, on finit par ne plus rien voir. On finit par ne plus se voir. Le résultat: au lieu d'être nous-mêmes, nous devenons du déjà-vu. A trop voir le monde qui nous entoure, les sentiments apparaissent. Ces sentiments peuvent être bien vagues, ils peuvent être haine, lorsque ce que l'on voit est atroce.
Ils peuvent être envie, quand quelqu'un d'autre possède quelque chose de désiré par soi, chose matérielle ou non. Il peuvent être amour, lorsque ce que l'on voit est merveilleux. A trop regarder autour de soi, on finit par ne plus aimer ce que l'on est. A voir tous ces gens qui mentent, qui se mentent, qui jouent un rôle, on en arrive à se dire que nous ne valons rien, que les autres sont bien mieux, puisque l'image qu'ils laissent transparaître d'eux-mêmes est idyllique. Et quand nous n'aimons plus ce que nous sommes, il nous faut nous faire aimer par quelqu'un d'autre, c'est vital, la survie en dépend. Peu importe le prix, peu importe la manière, peu importe si ce quelqu'un d'autre en souffre, c'est l'amour ou la mort.
Tout ce dont je parle est bien triste, j'en suis conscient.
Mais nos vies, au final, ne le sont-elles pas ? Nous sommes formatés depuis petits à soigner notre
apparence, physique ou pas, pour paraître beaux, épanouis, intelligents aux yeux des autres…Et même si on refuse ce système, même si on en connaît chaque conséquence, les cassettes que la société ou l'horreur nous ont insérées, elles, sont toujours là, dans l'inconscient, et difficilement éjectables.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment est-il possible de s'oublier soi-même? Comment est-ce possible qu'à force de désirer être quelqu'un d'autre nous puissions en arriver à nous détester nous-mêmes, à détester le Monde, à fantasmer sur la Mort ? Comment peut-on rejeter le système dans son ensemble et au final, n'en être qu'un pur produit ?
Pour comprendre tout ça, peut-être faudrait-il d'abord comprendre, ou entendre le cri des enfants perdus. Il faudrait que la société cesse de jouer la martyre alors qu'en réalité, c'est elle qui fait souffrir. Le système nous formate pour penser à sa survie avant celle des autres, ce qui fait que les gens baissent les yeux devant l'horreur, détournent le regard des souffrances d'autrui, pour se protéger. Les individus ne sont portés que vers leur propre épanouissement, ils ne veulent surtout pas voir qu'à côté d'eux dort une masse de tristesse. Cette tristesse, ils ne veulent surtout pas la comprendre, ils pensent que c'est quelque chose qui les dépasse forcément…C'est ainsi que l'on voit des personnes qui souffrent abandonnées par leurs proches, car ils n'ont pu comprendre sa souffrance. C'est ainsi que l'on voit le même individu abandonné mille fois. C'est ainsi que naissent les pensés suicidaires, les pensées terroristes, les envies criminelles, pour les plus faibles des souffre douleur.
Lorsqu'un individu bascule dans la violence, sous n'importe quelle forme, c'est que le système n'a pas marché, ou qu'il se nourrit de la violence qu'il produit chez les êtres. Mais les sanctions tombent tout de même.
A aucun moment, la société, ou même à plus petite échelle l'entourage des bourreaux ne se remet en question, et personne ne propose d'aide. Les gens se contentent de fermer les yeux sur la souffrance et de priver encore les personnes d'amour. Ils préfèrent renier leurs proches, plutôt que de voir l'horreur en eux. Nous le savons. Les psys en parlent. Le pouvoir le sait. Mais il trouve plus important de s'occuper de finances et d'échanges marchands que de social et de la qualité de vie des populations, au risque de voir monter encore et encore les chiffres de la délinquance et/ou de la criminalité. Doit-on déceler par-là une stratégie du pouvoir visant à nous vendre leur programme politique libéral ultra sécuritaire ? Doit-on voir ici une manière comme une autre de diviser le peuple ?
Sachant cela, l'individu déviant est-il bourreau ou victime ? Ne s'adapte-il pas simplement à une société déviante ?Mérite-t-il d'être abandonné par ses proches, mérite-t-il l'isolement ou la Mort ?
Il est simple de juger le comportement de quelqu'un lorsque l'on n'a pas réussi ou même essayé de
comprendre les mécanismes qui ont poussé ou qui poussent la personne à agir de la sorte. Nous ignorons complètement les souffrances d'autrui alors que comprendre nous permettrait d'avoir une bien plus grande marge de manœuvre sur nos propres plaies. Le Monde d'aujourd'hui fait comprendre à certains d'entre nous que nous n'avons pas de place chez lui. Il est dès lors impossible de nous demander de nous intégrer. Nos valeurs seraient bafouées. Il est dès lors impossible de guérir de nos plaies. Tout juste peuvent-elles être refoulées ou atténuées. Certains tentent de se soigner par la rage. D'autres tentent de se panser par l'amour.
Certains essaient de guérir par la foi. D'autres tâchent désespérément de se sauver par la Haine.


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