Vérité et justice pour Abdoulaye Camara

13/08/2016


Dans la nuit du 15 au 16 décembre 2014, dans le quartier de la Mare rougeau Havre, deux policiers de l’Unité Canine Légère (UCL) tirent 23 balles sur Abdoulaye Camara, que les médias et le procureur saisi de l’affaire s’accordent à présenter comme « possédé », en pleine « crise de démence meurtrière ». Dès le 16 décembre, le procureur, Francis Nachbar, déclare que « la légitime défense n’est pas contestable ». Les policiers reçoivent également le soutien des syndicats de police « pour les faire surmonter cette situation qui est très difficile pour eux à vivre ». Face à cette certitude expéditive, la famille d’Abdoulaye commence à se poser de nombreuses questions, sur cette « crise de démence », sur les méthodes d’intervention de la police, sur l’enchaînement des faits qui ont conduit au meurtre d’Adboulaye par les forces de police.

Ce 16 décembre, il pleut, les rues sont désertes. Aux alentours de 00 h 50, une jeune fille habitant rue Marconi, dans le même quartier qu’Abdoulaye, appelle le « 17 ». Elle déclare au standard qu’un homme « plein de sang » et « armé » s’est approché d’elle et des deux personnes avec qui elle se trouvait au pied de son bâtiment. Il aurait ensuite essayé de forcer la porte de leur appartement, où elles s’étaient réfugiées. Deux équipages de police sont alors envoyés sur place, une voiture sérigraphiée du service général de la police nationale et une voiture banalisée de la BAC. Arrivé le premier sur place, l’équipage du service général aperçoit « un individu couvert de sang, blessé au niveau des jambes », un couteau à la main, avec lequel il aurait tenté de donner un coup sur le véhicule. Les policiers passent un appel radio pour demander des renforts équipés d’un taser. Peu après, ils baissent la vitre et gazent Abdoulaye qui serait revenu vers eux alors qu’ils avaient l’intention de le « suivre à distance ». D’après les policiers, Abdoulaye serait resté insensible au gaz lacrymogène et aurait continué sa route vers l’avenue du bois au coq, un axe reliant la Mare rouge au centre-ville du Havre et par lequel passe un tramway.

Au lieu de continuer à le suivre à distance, la voiture décide alors de le « devancer » et de « sécuriser la zone » en attendant l’arrivée des renforts munis du taser. La voiture sérigraphiée se positionne alors sur l’avenue du bois au coq, où ils sont rejoints par une deuxième voiture, celle de l’UCL. Selon les agents de l’UCL, Abdoulaye se trouve alors à 30 mètres « levant son couteau à hauteur d’épaule et menaçant les deux véhicules de police ». Il se serait alors approché pour tenter à nouveau de porter un coup de couteau, cette fois sur la vitre arrière du véhicule de l’UCL qui l’aurait contourné avant de se garer un peu plus loin « en attente » comme ils le déclareront. De son côté, la voiture sérigraphiée fait marche arrière sur une centaine de mètres. Sur les ondes, la demande d’un taser est renouvelée.
Depuis le début de l’intervention aucun des policiers n’a donc mis le pied à terre pour tenter de maîtriser un individu dont tous soulignent pourtant la « dangerosité ».
Même le troisième véhicule, un équipage de la BAC qui aurait esquivé une « charge » de Abdoulaye à l’angle de la rue Florimont Laurent et de l’avenue du bois au coq part se positionner plus loin sur l’avenue pour barrer la circulation. D’après les déclarations de l’UCL et de la BAC, l’idée était de « prendre l’individu en tenaille », en empruntant des itinéraires différents pour rejoindre l’avenue du bois au coq. Mais cette « sécurisation » de la zone et cette prise en étau se font depuis l’intérieur des véhicules. Et c’est depuis l’intérieur de leur véhicule que les deux policiers voient un « passant » déboucher sur l’avenue du bois au coq au niveau d’un hôtel, en provenance d’une « nouvelle rue » dont ils ne connaissent pas le nom. Les policiers étant tous dans leurs véhicules, le passant continue sa route en traversant l’avenue, sans qu’aucun d’entre eux ne soit en mesure de l’avertir de la « dangerosité » de la personne qu’ils comptent maîtriser avec ce taser qui ne vient pas.
Abdoulaye se serait alors précipité vers le passant, l’aurait fait tomber et aurait commencé à lui asséner des coups de couteau. Lors des auditions, ce passant déclarera ne se souvenir de rien du fait de son alcoolémie. Toujours est-il que c’est à ce moment que l’UCL décide d’intervenir : le conducteur avance la voiture « d’une centaine de mètres » puis son coéquipier sort du véhicule et dégaine son arme. Il s’approche d’Abdoulaye, qui avait selon lui « les yeux sortant de leurs orbites », et donnait « l’impression d’être dans un film d’horreur ». Abdoulaye se serait alors jeté vers lui le couteau à la main et le policier aurait tiré rapidement quatre coups, dont il voit l’impact sur le sweat d’Abdoulaye au niveau du torse. Le policier continue de tirer en reculant, avant de tomber et de continuer à tirer au sol. Au moment de sa chute, le policier-conducteur, descendu de la voiture peu de temps après, ouvre lui aussi le feu plusieurs fois tout en reculant. Au total 23 balles sont tirées en quelques secondes, dont six, toutes tirées par le premier policier, seront retrouvées dans le corps d’Abdoulaye lors de l’autopsie. Quant aux balles tirées par le deuxième policier, certaines ont touché Abdoulaye au niveau des membres inférieurs mais aucune ne s’est logée dans son corps.
Quelques minutes plus tard, tous les effectifs disponibles sont mobilisés sur la scène et pour quadriller la Mare rouge où la police dit craindre des « attroupements hostiles » de « jeunes des quartiers qui commencent à affluer » et à « manifester bruyamment un vif mécontentement ». Le Samu emmène le passant vers 01 h 40, quelques minutes après que le décès d’Abdoulaye a été constaté. Son corps restera sur la chaussée jusqu’à 5 h 00 du matin. Parallèlement, des policiers envoyés au domicile d’Abdoulaye, rue Marconi, observent que l’appartement est ouvert, les vitres et la porte cassées, avec de nombreuses traces de sang. Le procureur Francis Nachbar arrive à son tour sur les lieux et ouvre une enquête pour « tentatives de meurtre », une enquête dont le principal suspect, Abdoulaye Camara, vient de décéder. Tous les policiers sont entendus en qualité de témoins, et seul l’un d’entre eux, l’auteur des coups de feu mortels, décide de porter plainte, de porter plainte contre l’homme qu’il vient d’abattre. Même décision de la part du passant blessé qui évoque pourtant un « trou noir » au cours de ses différentes auditions, et se montre incapable de se souvenir de quoi que ce soit.

Lire la suite de la Brochure :






Comité vérité et justice pour Abdoulaye Camara


Contact : abdoudk.lh@hotmail.com
FB : Justice Et vérité Hommage Pour Abdoulaye Camara

Télécharger le fichier pdf :


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :

www.bboykonsian.com
© Peoplekonsian 2021