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'Moment de solitude (2030: Chroniques de la zone des oubliés)' par Skalpel



'Moment de solitude (2030: Chroniques de la zone des oubliés)' par Skalpel

Peut-être que tout ceci n’est qu’un rêve. Peut-être qu’il y a plusieurs perceptions de la réalité qui se croisent et qui contribuent à faire de ce cauchemar qu’est la lutte pour une existence digne quelque chose qui donne un sens à cette vie. Peut-être que nous ne sommes pas aussi libres que nous le pensons. Peut-être somme-nous de simples marionnettes et peut-être que cela nous arrange, car cette idée nous ôte toute responsabilité dans nos actions passées, présentes et futures. Peut-être que l’idée de ne pas être totalement au contrôle de nos vies nous conforte dans nos choix individuels, qui, pris en dehors d’une dynamique collective, n’ont d’autre but que de servir nos intérêts personnels de la façon la plus égoïste qui soit. Peut-être que toute cette complexité dans laquelle nous évoluons nous rend volontairement aveugles et insensibles aux choses et à la vie au sens large, en général. Peut-être que ce n’est pas d’avoir raison qui importe vraiment, mais juste d’agir collectivement. Il y a peu de certitudes, beaucoup de questions sans réponses et tellement de peut-être… Peut-être que nos routes se croiseront bientôt…

Cellules « Utopistes combattant-e-s »

Rêvez ou crevez !

13 février 2030

Depuis les taules froissées de la Zone des oubliés



*

Planqué au rez-de-chaussée, dans les placards à générateurs électriques d’un immeuble luxueux et ancien qui abritait un cabinet de psychiatre du travail communautaire au nom faussement provocateur, « Joie et Bien-être », il ruminait ses pensées en attendant de passer à l’action. Il lui restait juste le temps de se triturer l’esprit et de mettre de l’ordre dans ses réflexions minées par des doutes et des questions auxquelles il n’avait pas de réponses précises. Son regard était perdu dans le vide qui séparait son visage du mur sale auquel il faisait face. Pourtant, de vide autour de lui il n’y en avait pas, ou plutôt il n’y en avait plus. Il avait le sentiment d’étouffer. Il pouvait presque sentir la crasse s’insinuer dans les pores de sa peau lisse et rasée de près.

Depuis quelques semaines, son quotidien avait perdu de son calme habituel, le comble pour quelqu’un qui avait traversé le cours du temps avec une tranquillité insultante, presque irréelle. Il songeait aux événements récents qui l’avaient fait passer d’une existence douce, paisible et quelque peu naïve à une vie de militant qui le stimulait intellectuellement, mais qui le mettait constamment en danger. Les va-et-vient incessants entre la Zone pacifiée (ZP) dont il était originaire et la Zone des oubliés (ZDO) qu’il avait découvert, stupéfait, le faisait voyager dans le tunnel crade de ses réflexions. C’était quelque chose de douloureux. La limpidité de ses souvenirs contrastait avec une nouvelle réalité qui ne cessait de l’étonner un peu plus chaque jour. Il y a peu, celle-ci était faussée par une vision des choses beaucoup trop ordonnée et réglée au millimètre près. Aucune place n’était laissée au hasard, à l’improvisation ou à la spontanéité. Rien ne dépassait jamais. Tout était carré de A à Z.

Il se sentait fatigué. Intérieurement, il se disait qu’il aurait souhaité ne jamais se réveiller, s’engager dans la résistance, mais il se mentait à lui-même. Même dans un état d’épuisement psychique et physique intense, il ne réussissait jamais à se convaincre totalement qu’il était dans l’erreur. Il était encore très loin de l’inévitable étape de la résignation qui vient frapper à la porte de l’esprit du vieux militant sur le retour et qu’on ne peut éviter que lorsqu’on meurt en luttant ou milite pour une nouvelle cause.

Putain de merde ! J’étais cool avant, pépère, j’en avais rien à foutre de rien ! C’est vrai que j’étais un putain de mouton inconscient, mais au moins j’étais tranquille. Qu’est-ce que j’ai foutu ?

S’exprimer par la parole et jouer le jeu des questions-réponses avec lui-même lui permettait d’évacuer un peu de ressentiments et de culpabilité, même si de l’extérieur on aurait pu le prendre pour un fou qui jactait tout seul. L’effet thérapeutique immédiat de cet échange à haute voix était indéniable.

Des regrets, il en avait plein, mais il savait que s’il avait la possibilité de revenir en arrière il ne le ferait pas, il resterait sur le quai et laisserait passer tranquillement le train du retour. Il se sentait comme Néo dans Matrix, à la seule différence que ses ennemis n’étaient pas des machines, mais d’autres hommes comme lui, bien réels, faits de chair et de sang.

Au fond, il était fier d’exister vraiment, de ressentir les choses profondément, de palper l’existence et de pouvoir en garder une petite partie au creux de ses mains. Dorénavant, il était loin du confort solitaire de son ancienne vie, mais au moins il s’était rapproché de la réalité, certes terrifiante, mais réalité tout de même.

Le temps avait passé rapidement. Quelques mois sur le calendrier. Une éternité pour lui, qui comptait le nombre de petits bâtons inscrits sur les murs de sa cellule mentale. Des bâtons symbolisant le nombre de jours passés depuis sa libération : brutale et soudaine. Cette mise en liberté, plus ou moins conditionnelle, avait précédé une période de sevrage qui lui avait permis de soigner sa dépendance physique aux médicaments mais qui lui avait paradoxalement fait aimer le whisky.

On n’a rien sans rien, se disait-il. On remplace un vice par un autre en se disant que le nouveau est un peu plus rustique et naturel, ce qui rassure pendant un bref instant.

Jack Daniel’s était son nouveau compagnon de route, en plus des quelques camarades de l’organisation qu’il avait eu l’occasion de connaître lors de sa formation militaire et plus ou moins politique. L’épreuve avait été difficile et, quand il était ivre, il revoyait souvent ce corps sans formes, entièrement vêtu de noir, abattre froidement devant ses yeux son psychiatre du bien-être (PBE) : sa conscience artificielle à la voix suave et hypnotique. Cela le perturbait. Le calme de ce bourreau sans visage, qui après l’exécution lui avait glissé un tract dans la poche, l’étonnait chaque fois qu’il y repensait. Il s’était imaginé que pour tuer quelqu’un on avait besoin de hurler et d’extérioriser sa peur, qu’on ne pouvait pas le faire froidement comme si de rien n’était.

Une fois rentré chez lui, il avait pris le risque de lire ce qui était inscrit sur ce bout de papier et s’était aperçu qu’il ne pourrait plus reculer. Il y aurait un avant et un après.

Cela avait été le début d’une nouvelle existence et la fin de sa vie de citoyen officiel de la Communauté. Le changement avait été radical et, désormais, il menait une vie clandestine où sa naïveté avait laissé place à une lucidité implacable. Il se méfiait de tout et de tout le monde.

Dans le cadre de son ancienne vie, il réfléchissait peu et agissait par automatismes, mais il avait néanmoins senti que quelque chose n’allait pas.Il avait du mal à mettre des mots sur ce petit bout de pensée figé dans les recoins sombres de son cerveau. Les médicaments prescrits par le PBE ne faisaient rien pour arranger les choses. Au contraire, ils annihilaient le moindre doute et la moindre interrogation possibles. Impossible à l’époque de se défaire de ce rendez-vous hebdomadaire obligatoire dont dépendait votre statut au sein de la Communauté. Les rapports du psychiatre déterminaient votre existence et vous donnaient le droit de travailler et vivre dans la ZP. En gros, le droit d’exister.

De toute façon, avant c’était le néant, le rien. L’absence d’émotions, tout le contraire d’aujourd’hui !

Avant…

*

Dans cet échiquier moderne, la partie se joue entre les pièces d’un même camp. Les rois, les fous et les pions. Les rois dirigent et prétendent détecter chez les pions les symptômes d’une maladie mentale dont ils sont à l’origine de la création. Qui peut nier leur influence dans la rapidité de sa propagation ? Les sujets de Sa Majesté sont des « esclaves-patients ».Les pions sont ignorants, mais ce sont des pièces obéissantes. Les fous sont d’anciens pions plus ou moins conscients de leurs conditions et dont certains veulent guérir de la folie que les rois ont contribué à faire naître chez eux. Le traitement que les rois imposent aux pions devenus fous les place dans la catégorie des pièces subversives. La meilleure chose qui puisse arriver à un pion, c’est qu’il devienne fou. Qu’il prenne conscience tout à coup de l’espace disponible et de la possibilité du choix qu’il a dans ses déplacements. Parfois, quand cela se produit, il veut partager cette expérience et la joie intense qu’il ressent avec d’autres pions. Le roi envoie donc des pions obéissants, mais aussi des fous : d’anciens pions qui sont aussi, paradoxalement, des fous en devenir. L’issue de cette lutte dépend de facteurs liés aux contradictions vécues par les fous.On ne peut pas parler de victoire suscitée par la mise en échec du roi.

On peut juste évoquer l’apparition de nouvelles possibilités libératrices qui s’offrent aux pions et qui passent par l’expérimentation de la folie.

Cellules « Utopistes combattant-e-s »

Que la partie commence !

Quelqu’un comprend-il quelque chose aux règles du jeu ?

3 mai 2030

Derrière les nuages de fumée acides de la Zone des oubliés.



*

Il se leva et commença à grimper les deux étages qui le séparaient de l’entrée du cabinet. Il était en sueur et dégoulinait à l’intérieur de sa combinaison noire.

Il avait des crampes aux mollets.

Je suis devenu un putain d’alcoolique après avoir été un mouton chimique, bordel !

Il savait qu’il buvait plus que de raison depuis cette fameuse journée libératrice, mais il avait besoin de quelque chose pour calmer ses nerfs ; et de médicaments, il n’en voulait pas, il n’en voulait plus. Ils étaient pourtant efficaces et faciles à trouver, le whisky aussi. Un petit tour dans la Zone des oubliés et « l’affaire est dans le sac » – expression ancienne qu’il se plaisait à employer depuis qu’il était tombé sur un vieux polar qu’il avait lu en deux petites heures. Rare et appréciable moment de répit qu’il s’était accordé au milieu de ses nouvelles occupations, allongé dans une des nombreuses caches de l’Organisation située dans la ZDO, à l’intérieur d’un bâtiment en ruines dont les briques rouges étaient quasiment toutes recouvertes de graffitis et d’insultes envers la Communauté.

Il dormait peu et se réveillait en sursaut, le front en sueur et les mains moites posées sur la crosse de son 9 mm à impulsion thermique. C’était une arme de fabrication artisanale et indétectable par les appareils des miliciens de la Communauté. Ses nuits étaient rythmées par les cauchemars morbides et vicieux qui avaient remplacé les rêves insipides de son ancienne vie :

des rêves doux et reposants, confortables et moelleux comme du coton, artificiels. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas profité d’une bonne nuit de sommeil, longtemps qu’il ne s’était pas réveillé avec la sensation de s’être reposé et d’avoir rechargé les batteries. Avec en prime la sensation presque euphorique d’avoir l’âme en paix. Douce illusion de liberté à l’intérieur d’une camisole chimique qui engluait les connexions cérébrales qui lui auraient permis de voir clair.

Il se disait qu’il paierait cher pour pouvoir profiter d’un court et modeste moment de repos, juste ce qu’il faut pour que la bonne humeur qui accompagnerait le réveil ne lui fasse pas oublier la réalité glauque de son nouveau quotidien. Fait de grisaille et d’allées et venues clandestines entre les deux zones. Il avait beau se sentir fatigué et usé, il ne pouvait occulter le fait qu’il se sentait constamment en état de traumatisme, cela lui donnait la gerbe. Son ancien état de légume médicamenté lui répugnait.

Comment ai-je pu être aussi naïf et aveugle ? Pourquoi n’ai-je pas résisté ou protesté ?

D’intenses réflexions personnelles et des interro-gations sans fin avaient transformé son corps en une éponge capable d’absorber toute la douleur et la souffrance du monde. Les regards durs comme du béton armé qu’il croisait dans les ruelles sombres de son nouveau quartier le pénétraient jusqu’au plus profond de son âme. Il découvrait un monde qu’il ne connaissait qu’à travers les reportages diffusés par l’unique chaîne de la Communauté.

« Un monde puant, dégueulasse, sauvage, dangereux, gris, glauque, enfumé, où l’espérance de vie est plus courte que dans les zones pacifiées civilisatrices », disait le commentateur télé de sa voix faussement apaisante.

Les sensations qu’il percevait étaient inédites, ce qui rendait la douleur d’autant plus insupportable. Il était bombardé par un tas de sentiments nouveaux. Il se sentait perdu, comme un enfant lâché trop tôt dans un monde d’adultes hostiles et impatients.

Comment font les gens pour supporter cette vie de merde ? Comment ne pas comprendre qu’ils aient envie de traverser cette immonde frontière pour tenter le coup de force dans l’autre zone ? Comment ne pas tenter sa chance en participant à toutes ces émissions de télé-réalité dont la récompense est la chance de vivre une nouvelle vie dans la ZP en ayant la mémoire effacée et le compte en banque plein ? Zone de merde…

Peut-être que les gens ne supportent rien.Ils se contentent juste de subir cette réalité qui les agresse du matin au soir. Les urgences quotidiennes empêchant de prendre le temps de réfléchir aux conditions minables de sa propre vie.

En 2030, on vivait au jour le jour, tels des animaux, de façon instinctive. Les plus chanceux se repliaient derrière une carapace mentale capable de gérer plusieurs sentiments confus et contradictoires. Ils passaient de la tristesse lucide et objective à la joie forcée et calculée, mais surtout de l’indifférence au mépris le plus total pour tous ceux qui n’avaient pas le courage et la force d’affronter cette existence nécessairement difficile. Par là, il fallait comprendre : obéir aveuglément en essayant d’éprouver le moins de choses possible. S’accrocher à l’espoir de l’appartenance à une communauté de privilégiés. En son nom, ils sacrifiaient de rares moments de joie pour mieux supporter les nombreux moments de tristesse et d’angoisse.

D’une certaine façon, il valait mieux être pauvreet lucide dans la ZDO que riche et inconscient dansla ZP.

Tu parles, autant choisir entre la peste et le choléra, ce qu’il fallait, c’était détruire tout ça et tout recommencer en ayant pris soin de purger un peu ses sentiments, puis lever la tête et avancer de façon déterminée !

Il comprenait que l’exécution des psychiatres faisait partie d’une stratégie plus large et globale. Elle permettait, de temps en temps, la libération d’un individu lambda qui pouvait rejoindre le cas échéant l’Organisation, comme lui. Et maintenant, ça allait être à son tour d’abattre un être humain froidement pour la cause. Le plus efficace, pour l’accepter, c’était de le dépersonnaliser. De déshumaniser le peu de choses qu’il restait à cet être responsable de tellement de malheurs et de souffrances. Il allait saboter par cet acte la machine à broyer les humains. Il allait saboter le capitalisme en enlevant une pièce nécessaire à son fonctionnement.

Des conneries ! Je vais faire ce que j’ai à faire et c’est tout…

Il en revenait toujours à cette même question qui le taraudait. Peu importe l’entrée par laquelle il rejoignait le chemin tortueux de sa réflexion : à partir de quel moment l’indifférence nécessaire à la survie devient-elle l’excuse confortable qui nous rend complices du système ?

Peut-être suffit-il d’endosser cette armure qui épouse parfaitement les courbes complexes de l’âme humaine pour se sentir mieux. La consolation ultime étant sûrement de savoir qu’il y a pire ailleurs.

La lutte contre le rouleau compresseur qui nous écrase chaque jour est remplacée par une illusoire lutte contre soi-même, où s’affrontent la culpabilité de ne rien faire et l’envie de fermer les yeux devant tant d’évidences. On se laisse envahir par la peur, la lâcheté, la crainte, mais surtout la paresse. On avale le nombre de pilules suffisant et on oublie. Comment affronter cette impression de solitude extrême qui tétanise le moindre muscle du corps ? Comment rompre cet isolement au moment précis où le doute s’installe ?

Aujourd’hui, il en concluait qu’il y avait suffisamment de raisons objectives et d’arguments qui désignaient le Gouvernement démocratique centralisé, instance dirigeante de la Communauté, comme responsable des maux dont souffrait la masse de gens entassés dans la Zone des oubliés. Il était tout aussi responsable de l’abrutissement des citoyens moutons et médicamentés de la ZP. La Communauté prenait le temps de s’occuper de chacun minutieusement, mais l’agression perpétrée était subie collectivement, la résistance à cette agression devait forcément être collective. Les différentes strates représentatives de cette agression/oppression se superposaient pour mieux laisser apparaître l’ampleur du désastre.

Exploitation morale, physique et sociale. Traitement psychiatrique généralisé. Pénétration de l’âme humaine par le système jusque dans l’intime. Ce que le « vivant » et non plus l’ « humain » subissait, s’apparentait à un viol.

La solitude paradoxale, contre laquelle certains luttaient, était difficilement surmontable, et la propagande fonctionnait bien. Même dans de rares moments de lucidité, au lieu de s’unir et de mener un combat collectif contre un ennemi complexe mais apparent, on se persuadait que la lutte individuelle et abstraite contre ses propres imperfections était la solution à tous les problèmes.

Une réflexion personnelle qui amène du changement et de l’évolution vers quelque chose de positif et progressiste, additionnée à un voyage dans son « moi » intérieur, plus une méditation sur son vécu spirituel postorganique sont égales à une action libératrice pour l’humanité !

Les recettes philosophiques modernes pour une nouvelle ère progressiste, tirées du petit manuel de Théorie du bien-être que diffusait le ministère ne l’impressionnaient plus.

De la branlette !

Il n’y croyait plus du tout. La patience intellectuelle et les décisions pragmatiques étaient les vertus les plus en vogue chez les partisans de l’inaction. Il en était convaincu, c’était une conviction récente mais solide.

La seule chose qui change réellement lors de ces voyages philosophiques à travers les différents « moi », c’est le niveau d’adaptation au monde tel qu’il est, donc le nombre de concessions que l’on fait au système, consciemment ou pas. À la rigueur, on peut parler de stratégie de survie, et encore, cela implique qu’il y ait une volonté de résister en s’infiltrant dans le circuit. Peu probable.

Il réfléchissait beaucoup. Plus il réfléchissait et moins il avait envie d’être seul. Plus il s’enfermait dans sa bulle solitaire et plus il avait envie de la crever pour s’en extirper et rejoindre les autres. Il avait envie de partager les conclusions de ses analyses personnelles. Il voulait le faire vite, dans l’instant, tout de suite. Il savait que ce n’était pas possible dans l’immédiat. Mais il était certain que dorénavant tout ce qu’il ferait, et d’une certaine façon faisait déjà, irait dans le sens du partage et de la transmission. Il voulait du collectif. Il l’avait déjà au sein de l’Organisation, mais il en voulait encore plus. Son impatience faisait écho à une sensation de nervosité incontrôlable contre laquelle il essayait de se battre en se concentrant sur l’importance de sa mission.

C’est mon tour, je ne peux plus reculer, à moi de libérer quelqu’un d’autre et d’envoyer ce boulon infect de la machine communautaire dans une autre vie. Ah, putain de merde ! Fait chier ! Je me prendrais bien une petite pastille pour oublier tout ça…

*

Nous n’avons pas de tâche historique car nous n’avons pas de destin. Notre éventuel avenir révolutionnaire n’est défini ni par notre classe sociale, ni par nos paroles. Nos actions et leurs mises en oeuvre définissent réellement et concrètement notre potentiel « subversif et révolutionnaire ». Nous n’avons pas non plus de mission dont nous aurions hérité et que nous devrions accomplir avant toute autre chose en mettant de côté les aspects positifs ou négatifs de l’existence. Si nous ressentons le poids d’une sorte de devoir de continuité, nous pensons que ce n’est pas notre faute, nous l’assumons, mais n’hésitons pas à demander de l’aide pour porter cette espèce de fardeau qui nous cantonne dans un rôle de victime suicidaire et sans perspective.

Nous ne sommes ni des prophètes, ni des héros, même si, parfois, certaines paroles ou attitudes trahissent une admiration pour des parcours de vies militants que nous jugeons exemplaires ou incroyables. Nous aspirons à exister socialement et collectivement, nous sommes donc conscients que ce que nous admirons chez certaines personnes ayant lutté au cours de l’histoire, ce sont des actes individuels qui prennent du sens uniquement dans le cadre d’une action collective, dans l’intérêt de chacun et de tous.

Nous sommes un ensemble d’uniques qui combattons l’accaparement égoïste par certains du droit à exister.

Pour nous, le fond et la forme sont intimement liés. Si le fond ne prend pas de forme compréhensible, il est sans intérêt. La forme au sens où nous l’entendons ne peut exister et être perçue correctement sans le fond.

Notre pratique est le reflet de notre théorie et notre théorie découle de notre pratique. C’est un va-et-vient incessant qui puise son énergie dans la recherche constante d’une fidélité à « l’éthique révolutionnaire » que nous défendons.

Nous donnons de la valeur à l’exemple, mais nous ne le sacralisons pas. Nous haïssons la perfection. Nos erreurs sont aussi fécondes que nos réussites.

Nous ne jugeons pas la pertinence d’une lutte à son intensité, la quantité pour nous, n’est pas un argument, et encore moins une valeur morale. L’intensité de nos actions n’est pas un facteur qui peut donner une idée de nos forces réelles ni un argument qui justifierait le fait que nous soyons plus légitimes qu’un autre groupe constitué moins actif.

L’important, c’est d’exister en tant qu’alternative et recours parmi un ensemble de groupes ou collectifs qui proposent et impulsent des choses qui vont plus loin que le simple constat alarmant de la situation. Nous sommes des pessimistes heureux, ou des mélancoliques pleins d’espoir, mais ce qui est sûr, c’est que nous Sommes !

Cellules « Utopistes combattant-e-s »

Il n’y a pas de destin, il n’y a que des actions !

24 septembre 2030

Depuis les sous-sols encrassés de la Zone des oubliés



*

Il vérifia son arme une dernière fois et frappa à la porte. Il savait comment tout cela se passerait, car il avait déjà été le témoin d’une scène similaire. La seule différence, c’est que maintenant il jouait un autre rôle.

Dans un premier temps, il ouvrirait la porte de façon plus ou moins brusque pour donner de la consistance à l’effet de surprise, ensuite il se dirigerait vers le psy à pas rapides et il lui mettrait une balle dans la tête sans même qu’il ait le temps de réagir ou de penser aux raisons pour lesquelles un homme armé avait subitement fait irrruption dans son cabinet. Ça serait net et précis, il était entraîné pour ça. Quand le corps du psy s’affalerait sur son confortable fauteuil en cuir véritable, il tendrait une lettre pliée en trois à la patiente, ou au patient, tétanisé-e devant lui. Elle serait tellement droguée aux médocs qu’elle n’aurait pas la force de crier ou de hurler de panique. Ensuite, il sortirait de là rapidement et retournerait dans la Zone des oubliés en empruntant un parcours sécurisé établi préalablement. Avant le débriefing avec son responsable de section, il se servirait un bon verre de jack, ou plusieurs, et repenserait à tout ça. Puis, une fois la réunion terminée, il se dirait qu’avec les conséquences de cette action réalisée comme il faut tout ne faisait que commencer…

Skalpel

Paru dans le livre collectif "2030: Nouvelles d’un monde qui tombe"


Akye
Vendredi 6 Mai 2011




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